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L'AFFAIRE ENRON : LES FAITS

LA FAILLITE DE ENRON

ENRON est la septième entreprise américaine, et numéro un mondial du négoce de l’énergie avec 100 milliards de dollars de chiffre d’affaires (112 milliards d’euros). Sa faillite en décembre 2001 est la plus importante de l’histoire de l’économie américaine. Un modèle désigné six années de suite comme « la société la plus innovante » par le magazine Fortune. Son chiffre d’affaires avait été multiplié par trois entre 1998 et 2000 et son cours de Bourse par dix en dix ans. L’effondrement en quelques semaines de 67 milliards de dollars de capitalisation boursière entraîne la plus grave crise de confiance endurée par le capitalisme populaire, avec des conséquences systémiques dans le monde économique et la sphère politique. C'est tout un mode de fonctionnement du libéralisme financier qui est remis en cause après de longues années de laisser-faire, d'injonctions adressées aux firmes de ne se soucier que de leur compte d'exploitation et du dividende versé aux actionnaires.

Cette banqueroute rejaillit sur le président BUSH et son administration, puisque ENRON fut un des principaux donateurs des républicains lors des dernières élections et que les dirigeants du groupe texan ont toujours entretenu des relations d’affaires étroites avec l’équipe au pouvoir.

Vingt-neuf dirigeants et administrateurs sont accusés d’avoir profité de leur connaissance de la situation réelle de l’entreprise et d’avoir vendu massivement leurs actions ENRON avant qu’elles ne s’effondrent. Au total, ils ont cédé pour 1,1 milliard de dollars de titres ENRON entre octobre 1998 et novembre 2001, alors qu’ils exhortaient jusqu’à la fin les salariés du groupe à conserver leurs actions.

Les dirigeants ont créé des entités particulières (les special purpose entities) ; une nébuleuse de près de 4000 filiales et joint-venture, une pour cinq salariés ! Elles entretenaient avec ENRON des relations de partenariat destinées à rejeter hors du périmètre comptable les pertes de la société, à dissimuler des centaines de millions de dollars de dettes, à échapper à l’impôt sur les sociétés que ENRON n’a pas eu à payer lors de quatre des cinq dernières années. Pour cela, ENRON a crée 881 filiales dans des paradis fiscaux dont 693 aux îles CAÏMAN (LE MONDE 8/02/2002).

Laissant plus de 40 milliards de dollars de dettes impayées, 4 500 salariés ont été licenciés sans préavis et plus de 11 000 qui avaient souscrit un plan d’épargne-retraite en actions de leur entreprise, ont perdu leurs économies et tout espoir d’une juste retraite. L’ambiguïté du  statut d’actionnaire-salarié est ainsi mise au grand jour.

 

LA FIN DU CABINET ANDERSEN

Le cabinet ANDERSEN (85 000 employés dans 84 pays), et plus précisément Arthur ANDERSEN LLP, l'entité américaine du réseau, est chargée depuis 17 ans d’examiner et de certifier les comptes de la firme ENRON, moyennant une rémunération de 50 millions de dollars annuels pour ses activités de conseil et de contrôle des comptes. Cet auditeur n’a jamais rien signalé aux marchés (l’Express 7/03/2002). Il est accusé de négligence, voire de connivence, puisqu’il a détruit d’octobre 2001 à janvier 2002 des tonnes de documents comptables compromettants liés à cette affaire. Outre le cas d’ENRON, ce cabinet est également impliqué dans les difficultés de GLOBAL CROSSING, un américain de télécommunications par fibre optique, dans celles de la Fondation baptiste d'Arizona, dans la faillite de la société SUNBEAM et celle de WASTE MANAGEMENT. Il ne se remettra vraisemblablement pas de la faillite scandaleuse de son client ENRON, d'autant qu'aucune entreprise financière américaine n'a jamais survécu à une inculpation pénale par le département de la Justice.

ANDERSEN est l’un des cinq grands cabinets d'audit financier du monde (les Big Five), avec PRICEWATERHOUSE-COOPERS, KPMG, DELOITTE TOUCHE TOHMATSU et ERNST & YOUNG. Longtemps numéro 1 mondial, il était synonyme d'excellence et de rigueur quasi militaire. La ligne de conduite du fondateur Arthur ANDRESEN, conseiller d'Henri FORD dans les années 1910, 1920, était " Think straight, talk straight". Début 2002, ce cabinet audite plus de 2 300 sociétés cotées aux États-Unis et plus du tiers des entreprises qui composent le SBF 250, l’indice boursier qui rassemble 250 des plus grandes sociétés françaises. 

Les effets des scandales sont considérables : aux États-Unis, plus de quarante gros clients historiques du cabinet ANDERSEN, dont Merk, FedEx, Delta Airlines ou Ford, ont déjà décidé de changer d'auditeur. Les concurrents DELOITTE et ERNST &YOUNG ont renoncé à une reprise globale du cabinet qui semble condamné à court-terme.

Une conséquence de ces évènements est le climat délétère qui pèse aujourd’hui sur les marchés financiers et l’environnement économique. 

D’autres entreprises font l’objet d’une enquête du FBI et de la Securities and Exchange Commission (SEC) : il s’agit d’entreprises de nouvelles technologies, aux structures complexes et endettées comme WILLIAMS COMMUNICATIONS, IBM, l’irlandais ELAN ou l’anglais SAGE ; en France, FRANCE TÉLÉCOM ou VIVENDI UNIVERSAL soulèvent des inquiétudes sur leur véritable santé financière. Plus que jamais, les réformes s'imposent pour clarifier les règles comptables et éviter les conflits d'intérêt.