Limiter les risques ?
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PEUT-ON LIMITER LES RISQUES LIÉS AUX MARCHÉS FINANCIERS ?

Traditionnellement, les Institutions financières internationales, comme le Fonds Monétaire International (FMI) ou la Banque mondiale, interviennent lorsque la situation est critique ; de son côté, Alan GREENSPAN, Président de la Réserve fédérale, fait des effets d'annonce et stigmatise l'optimisme de la bourse américaine et l'"exubérance irrationnelle des marchés". Cet interventionnisme, fort peu libéral et peu apprécié des financiers, montre la volonté des Autorités politiques d'éviter les bulles spéculatives.

En fait, le rôle de ces Instances n'est pas d'organiser les marchés financiers. C'est plutôt celui du Comité de Bâle, qui rassemble les Gouverneurs de Banques centrales des principaux pays européens, d'Amérique du nord et du Japon. Ce comité a mis au point des normes qui s'imposent comme des règles financières internationales, acceptées par tous.

Au niveau européen, on a décidé, depuis l'Acte unique(1993), et dans une optique purement monétariste, que l'organisation du système financier ne devait plus être du ressort des États nationaux, mais d'Autorités monétaires indépendantes, seule garantie d'une orthodoxie monétaire totale.
En France, la Loi de modernisation des activités financières (1996), et en particulier le strict contrôle administratif des intervenants sur les marchés financiers qu'elle organise, renforce la surveillance des opérateurs.
Par ailleurs, le niveau d'endettement des organismes financiers est limité ; les crédits accordés quasi-automatiquement sont supposés nourrir la bulle spéculative. Désormais, les financiers, au delà d'une certaine limite imposée par le ratio COOKE, doivent spéculer avec leurs propres fonds, ce qui est censé les rendre plus circonspects ; ce ratio oblige les Institutions financières à disposer en permanence d'un ratio fonds propres/crédits distribués supérieur à 8 %. Ce ratio, comme d'autres, instauré en Europe et dans le monde, traduit une prise de conscience de la nécessité d'une coopération internationale dans la fixation de règles prudentielles.

Parmi les autres mesures qui, force est de le constater, n'empêchent pas les évolutions préoccupantes de se poursuivre, on peut citer les ratios de solvabilité (eux-aussi destinés à limiter le montant des engagements bancaires), le système d'appel de marge des marchés à terme (dépôts de garantie qui augmentent quand les cours baissent en deçà d'une certaine proportion), les dispositifs coupe-circuits qui suspendent la cotation d'un titre lorsqu'il dépasse un certain seuil...

Une autre mesure a été proposée par James TOBIN, prix Nobel 1981) ; elle consiste à mettre "un peu de sable dans les rouages", en taxant faiblement (0,5 %) les mouvements de fonds purement spéculatifs, sur les marchés dérivés en devises. Évidemment, pour connaître le succès, il faudrait que cette taxe soit levée par tous les pays, sans exception, ce qui semble bien peu réaliste. Pour A. MINC, même si ce prélèvement existait, il ne freinerait en rien le mouvement des capitaux. Les taux d’intérêt augmenteraient du montant de la taxe et elle serait donc acquittée par l’ensemble des débiteurs mondiaux, y compris par les pays pauvres, et non par les seuls spéculateurs (Le Monde 18/08/2001).
Déjà J.M. KEYNES affirmait, en 1936, que "lorsque, dans un pays, le développement du capital devient le sous-produit de l'activité d'un casino, il risque de s'accomplir dans des conditions défectueuses", et concluait que "la création d'une lourde taxe d'État frappant toutes les transactions financières, se révèlerait peut-être la plus salutaire des mesures, permettant d'atténuer aux USA la prédominance de la spéculation sur l'entreprise".

Enfin, il convient de se pencher sur le contrôle des conglomérats financiers. Les activités bancaires ne connaissent pas de frontières, et le contrôle par les Banques centrales ne peut être organisé que sur une base nationale. C'est une difficulté essentielle, et, devant l'incapacité des États à contrôler les flux de capitaux et à sanctionner des entités multinationales, il est à craindre qu'en l'absence de contre-pouvoirs politiques, il faille faire confiance en ce que A. BERLE appelait dans la première moitié du XXème siècle la "conscience du Roi", c'est-à-dire la moralité des opérateurs eux-mêmes. 

Plus récemment, les rapports de 1995 et 1999 du P-DG de la Société générale, Marc VIENOT, préconisent la limitation du nombre de mandats d'administrateurs, la séparation des fonctions de président et de directeur général, une certaine publicité de la rémunération des dirigeants et la nomination d'un tiers d'administrateurs indépendants. Les trois premières propositions seront reprises dans la loi sur les nouvelles régulations économiques (NRE), votée en mai 2001. Cette loi NRE facilite également la participation des représentants des salariés aux organes de contrôle de gestion de l'entreprise et insiste sur sa "responsabilité sociale".

L'ampleur des affaires récentes justifie enfin l'harmonisation internationale indispensable des normes et systèmes comptables, le renforcement du code de déontologie des analystes financiers et l'exigence de transparence des activités d'audit, des agences de notation et des concepteurs d'indices boursiers.