LE CAPITALISME PATRIMONIAL PRÉSENTE UN NIVEAU DE RISQUE ÉLEVÉ La libération des capitaux est-elle maîtrisée ? Est-elle dangereuse
? Provoque-t-elle des crises ? Engendre-t-elle des inégalités sociales
? Dope-t-elle la croissance ou, au contraire, peut-elle ralentir celle-ci
? Existe-t-il des zones de flou d'opacité ?
En 1996, les chiffres officiels montrent que les balances des
paiements ont enregistré des flux de plus de 2 000 milliards de dollars ; il
n'empêche que ces mouvements de capitaux sont caractérisés par : 1 - Les échanges internationaux de capitaux ne sont
pas connus de façon précise. Cette opacité tient à des raisons
techniques : les comptabilités sont à partie double, et toute sortie d'un pays
devrait correspondre à une entrée dans un autre pays. On devrait donc connaître
précisément le montant et l'intensité des flux de capitaux. 2 - La finance internationale est aussi spéculative
; aujourd'hui, les mouvements de capitaux sont, pour l'essentiel, des mouvements
à la recherche de profits rapides, et prennent la forme de placements en
liquidités, en obligations ou en autres produits financiers sophistiqués
(produits dérivés, par exemple). 3 - Si l'on ajoute à la réduction des déficits
budgétaires des pays riches, le rachat de leurs propres actions par
les entreprises pour accroître la rentabilité de leurs fonds propres, on
comprendra alors que l'offre de titres de bonne qualité se réduit, et
que les investisseurs sont contraints de s'aventurer vers des produits et des
marchés sans cesse plus risqués (marchés russe et asiatique par
exemple). On pourrait enfin penser que la multiplication des produits
financiers et des marchés correspondants, pourrait permettre une dilution du
risque général, et qu'on se rapprocherait ainsi de la situation optimale où
tous les risques seraient couverts. Il n'en est rien : il existe effectivement
plusieurs marchés, mais ils s'imbriquent tellement et sont si solidaires, que le
risque n'est pas diversifié. Par exemple, on a le marché des actions, puis
le marché des contrats à terme de ces actions (MATIF), puis les contrats
d'options sur ces mêmes actions (MONEP). Idem pour le marché des changes ou
des marchandises. Cette superposition des marchés et des contrats repose
finalement sur un nombre limité de produits financiers sous-jacents, ce qui évoque
une pyramide inversée, à l'équilibre précaire. La multiplication des
marchés ne crée pas un système plus complet qui permettrait de s'affranchir
du risque et de limiter les effets de contagion. Le risque systémique
demeure. 4 - Enfin, la criminalisation occupe une place
de choix dans le marché international des capitaux. On constate un
accroissement de la part de l'argent sale : drogue, trafics divers (armes, matériel
nucléaire, immigration illégale...), détournement de revenus fiscaux,
corruption publique, une masse estimée à 800 milliards de dollars, soit 16 %
des mouvements internationaux de capitaux. 6 % du commerce mondial feraient
l'objet contrefaçon, et 12 à 15 % du budget européen seraient détournés
(sources : Alternatives Économiques hors série n° 38 ).
Une bulle spéculative provient du fait que le prix d'un actif
(immobilier, objet d'art, actif financier...) s'écarte de la valeur
fondamentale, c'est-à-dire la somme actualisée des revenus que cet actif peut
rapporter. Cette déconnexion peut atteindre des sommets inquiétants, avec des
spéculateurs grisés par une euphorie collective, sans lien avec le réel. Comment expliquer ce comportement a priori irrationnel des
spéculateurs ? Il faut d'abord se rendre compte que l'information, sur les
marchés financiers, contrairement à l'idée reçue, est très imparfaite :
chaque opérateur l'interprète à sa façon et essaye d'anticiper les évolutions
du marché. Les prix des actifs vont dépendre des anticipations des spéculateurs
qui tentent tous de devancer les anticipations des autres pour en tirer profit. Les banquiers participent, à leur façon, à la bulle spéculative.
Refuser un crédit peut coûter cher en terme de clientèle, et un spéculateur
trouvera facilement des fonds pour investir dans un actif dont il pense que la
valeur va augmenter. Finalement, la question de l'écart entre le prix de l'actif
et sa valeur fondamentale n'est pas, pour le spéculateur, essentielle ; cet écart
peut être important et les opérateurs continuer à acheter le titre, s'ils
pensent qu'ils trouveront des acheteurs prêts à continuer à investir dans ce
titre et à l'acheter toujours plus cher. Les prix peuvent donc être
objectivement élevés, et les opérateurs se porter acquéreurs. La rationalité
individuelle engendre une irrationalité collective.
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