Apports de Marshall
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Les apports d’Alfred MARSHALL : les rendements d'échelle

La principale critique de l’hypothèse des rendements constants passera par l’affirmation de l’existence d’économies ou de rendements d’échelle, faite par Alfred MARSHALL (1842-1924), un des piliers de l’économie politique. Il distingue en fait les économies ou rendements internes d’échelle et les économies ou rendements externes d’échelle.

Les économies internes d’échelle sont internes à la firme. C’est le fait qu’en augmentant la part de capital et de travail dans l’entreprise, on va obtenir un rendement marginal croissant en raison de l’existence de coûts fixes dans l’entreprise, coûts dépendant non pas du volume de production réalisée, mais de la structure de production retenue. À l’intérieur d’une structure et à court-terme, ces coûts resteront constants, et le coût unitaire de production pourra baisser.

Les économies d’échelle internes tiennent à l’organisation intérieure de l’entreprise : au fur et à mesure que la firme s’organise, elle se rationalise, elle pousse la division technique du travail et cherche à produire des gains de productivité, autant d’éléments qui feront croître les rendements. Mais une difficulté va apparaître : l’organisation interne n’est efficace qu’à partir d’une certaine dimension, d’un certain seuil. La rationalisation produira ses effets en terme de rendements croissants qu’à partir d’une dimension assez grande, aussi bien du point de vue technique que du point de vue commercial. Et MARSHALL est un des premiers, dans la théorie classique et néo-classique, à avoir montré la tendance inexorable du capitalisme à aller de la concurrence au monopole. Les rendements internes d’échelle induisent une tendance au monopole « naturel », ce qui va poser problème, car pour Alfred MARSHALL, le monopole est un facteur de sous-optimalité puisqu’il entraîne d’une part une hausse des prix au-delà du coût moyen et donc un sur-profit de monopole, et d’autre part, un rationnement de l’offre. Le monopole va produire moins et produire plus cher, ce qui se traduira par le fait que des ressources resteront inemployées. Le monopole naturel est donc, pour MARSHALL, contraire à la croissance. C’est la conséquence regrettable des rendements internes d’échelle. Nous verrons que cette difficulté théorique tentera d’être résolue, des décennies plus tard, par la théorie des marchés disputables de W. BAUMOL, J. PANZAR et R. WILLIG.

Par ailleurs, dans son ouvrage d’économie industrielle, les Principes d’économie politique (1890-1907), MARSHALL avait déjà souligné que les économies internes d’échelle s’accompagnaient de rendements externes d’échelle, qui jouent un rôle tout à fait fondamental dans les relations économiques internationales. Pour MARSHALL, les rendements d’échelle externes ne sont pas liés au développement de la firme elle-même, mais au développement du secteur dans lequel se trouve la firme. Par sa croissance, le secteur va apporter des avantages à toutes les entreprises qui s’y trouvent.

Signalons que le terme d’externalité est plus vaste ; il signifie que toute relation économique entre deux agents a un effet sur la fonction d’utilité d’un autre agent. L’externalité, positive ou négative, existe dans tous les échanges économiques.

Pour ce qui est des économies d’échelle externes, il suffira qu’une entreprise se développe pour qu’elle développe par là-même le secteur dans lequel elle se trouve, en dispensant, sans l’avoir réellement recherché, de précieux effets de synergie sur les entreprises voisines. Sur le modèle de la Sillicon valley ou celui de la vallée du Pô, tout un secteur sera structuré pour que les avantages se diffusent naturellement auprès des entreprises qui sont dans ce secteur. C’est ce qu’on appelle une synergie liée à un réseau d’entreprises.

Quelles seront les conséquences de l’existence des rendements internes et externes d’échelle sur les relations économiques internationales ?

On va montrer que certains économistes, rompant avec la pure logique ricardienne, vont défendre l’idée que les rendements d’échelle vont porter atteinte aux conditions de la concurrence et justifier une protection, minimale et limitée  certes, mais une protection qui permette d’éviter que certains cumulent les avantages.

En effet, à partir du moment où les rendements internes et externes d’échelle sont considérés comme des facteurs de croissance, en profiteront les pays et les entreprises qui auront su ou auront eu la possibilité de s’insérer dans les secteurs stratégiques concernés, et tous les pays et entreprises qui n’auront pas orienté leurs efforts dans ces secteurs stratégiques, ne connaîtront pas la même croissance. En ce sens, les rendements d’échelle remettent en cause le modèle ricardien et son corollaire de croissance, d’efficacité et d’égalité plus fortes pour tous.