Les thèses protectionnistes
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Les thèses protectionnistes : courant traditionnel mais non dominant du commerce international

 

L’apparition de difficultés économiques durables à la fin des trente glorieuses remet en cause le paradigme dominant du libre-échange, élément de croissance, d’enrichissement et de régulation des économies.

Les réactions protectionnistes vont se multiplier et mettre en évidence que les intérêts économiques et sociaux divergents des nations ne se résorbent pas par le développement des échanges. Ces analyses vont légitimer le recours à des mesures protectionnistes et alimenter le débat théorique constant entre libre-échange et protectionnisme.

Déjà au XVIème siècle, les mercantilistes Jean BODIN et Antoine de MONTCHRESTIEN craignaient que les échanges avec les pays étrangers ne dépouillent la France ou engendrent un appauvrissement général. Ils affirmaient le rôle essentiel de l’action de l’État dans la protection de l’économie française et son nécessaire isolement face aux menaces extérieures qui peuvent porter atteinte à notre indépendance nationale. Suivant ces principes, COLBERT applique un protectionnisme sélectif et développe une industrie manufacturière française, avec des manufactures royales et des manufactures d’État ; il admet la nécessité d’importer des matières premières, mais à condition d’exporter des produits manufacturés à forte valeur ajoutée.

Selon cette conception des échanges, l’enrichissement de certains pays se fait au détriment d’autres pays et, pour les mercantilistes, le commerce est un jeu à somme nulle. Le commerce n'est pas une activité productive ; c'est une lutte pour accaparer des richesse qui existent en quantité limitées. En accumulant des excédents commerciaux, un État va faire entrer dans le pays, au titre des paiements,  des métaux précieux. L'enrichissement mutuel n'est donc pas possible.

Une autre analyse qui va également promouvoir une démarche protectionniste, est due à l’économiste libéral allemand Friedrich LIST (1789-1846), auteur de « Système national d’économie politique », en 1841. Il constate que les États-Unis, malgré des richesses naturelles immenses, ne connaissaient pas le décollage économique qu’ils méritaient, en raison de la dépendance structurelle vis-à-vis de l’Angleterre. Il défend alors la thèse du protectionnisme éducateur, qui consiste, pour un État, à protéger, pour un temps, les industries jeunes et fragiles, les industries « dans l’enfance » qui ne peuvent supporter, à leur début, la concurrence d’industries étrangères déjà mûres. En effet, « C’est une règle de prudence vulgaire, lorsqu’on est parvenu au faîte de la grandeur, de rejeter l’échelle avec laquelle on l’a atteint afin d’enlever aux autres le moyen d’y monter après soi ».

Ces mesures, censées protéger l'appareil industriel national, doivent être temporaires et permettre aux industries naissantes de rattraper leur retard en matière de compétitivité. Il faut accepter de renoncer aux avantages à courte échéance du libre-échange, et privilégier les avantages à plus long terme que procurera un appareil productif solide. En ce sens, le protectionnisme éducateur de Friedrich LIST est qualifié de protectionnisme offensif. 

Nous aborderons, dans la partie sur les débats actuels, les applications modernes de ces conceptions protectionnistes qui continuent de s’affirmer comme une alternative plus ou moins complémentaire, selon les auteurs, à la théorie économique dominante qui reste très largement favorable au libre-échange.