Les registres littéraires
(suite)
10/ Le registre pathétique :
Vocabulaire : destiné à apitoyer
le récepteur, le registre pathétique utilise le lexique de la
compassion : termes évoquant la misère et la douleur associés
à un vocabulaire affectif (tristesse, lamentation) et religieux (supplications).
Formes : afin d'émouvoir, le registre pathétique use d'une fréquente
prise à partie de l'auditoire (exclamations, invocations, apostrophes
invitant à la déploration). Les images sont violentes, parfois
hyperboliques.
Exemple : le registre pathétique dans le roman naturaliste :
Émile Zola, L'Assommoir, XII, 1877.
11/ Le registre polémique :
Vocabulaire : lié au combat (voir notre
notice sur le genre polémique), ce registre vise à inspirer au
récepteur une adhésion intellectuelle à des valeurs jugées
menacées. Pour ce faire, il utilise un lexique moral mélioratif
(vertu, liberté, beauté) qu'il oppose à celui du dérèglement
et de la dépravation (termes violemment péjoratifs).
Formes : c'est à la raison que s'adresse le registre polémique,
même s'il lui arrive de s'allier à des formes oratoires (exclamations,
questions rhétoriques). On y trouvera un souci constant de l'implication
du destinataire (cible à condamner ou auditoire à convaincre)
par l'apostrophe et l'ironie provocante.
Exemple : Voyez définition et exemple sur la page consacrée aux
registres du texte argumentatif. Nous avons d'autre part, dans notre lexique
des genres littéraires, proposé une classification de certains
types d'œuvres dans le genre polémique, et conduit une série
d'exercices sur le réquisitoire.
12/ Le regitre réaliste :
Vocabulaire : fréquent dans le genre
romanesque, le registre réaliste correspond au choix de personnages et
de situations ordinaires. Il pourra ainsi se caractériser par un lexique
référentiel en rapport avec certains milieux. Soucieux d'authenticité,
le vocabulaire est parfois argotique et s'applique de préférence
à la matière (décors, objets) ou au corps.
Formes : le registre réaliste fourmille de détails authentiques
afin de produire un effet de réel. Ces détails peuvent être
empruntés au sordide ou simplement à l'univers familier. Ce regard
témoigne souvent d'un certain pessimisme, voire d'une fascination morbide.
Épanoui dans la description minutieusement référentielle
(temps, lieux), le registre réaliste se caractérise, dans le roman,
par le souci d'une langue authentique, parfois familière, et par l'emploi
d'une syntaxe relâchée.
Exemple : le registre réaliste dans la poésie lyrique :
Charles Baudelaire, Le mort joyeux, Les Fleurs du Mal (1857).
13/ Le registre satyrique :
Vocabulaire : la satire s'inscrit dans le genre
polémique dont elle valorise la raillerie. Le vocabulaire y est volontiers
réaliste et familier, et se caractérise par des termes péjoratifs,
parfois violemment caricaturaux.
Formes : c'est dans le portrait que s'épanouit la satire. Les traits
pittoresques, les formules ironiques visent à s'attirer la complicité
amusée du lecteur. Certaines formes oratoires rappellent néanmoins
l'inspiration morale qui préside au registre satirique dans la condamnation
des errements sociaux.
Exemple : le registre satirique dans le roman :
Albert Cohen, Belle du Seigneur, XXXV, 1968.
14/ Le tragique :
Vocabulaire : inséparable de son contexte
religieux (voir notre notice sur le genre tragique), ce registre utilise un
lexique noble et solennel qui est souvent en rapport avec le Destin. Pris au
piège du déterminisme de ses dieux ou de ses passions, le héros
tragique exprime sa douleur dans un vocabulaire moral où s'allient lucidement
l'impuissance et la révolte.
Formes : les interrogations, les exclamations expriment la détresse de
l'individu pris au piège. Apostrophes et invocations prennent à
témoin les instruments du fatum, dans la plainte ou la colère
(imprécations, lamentations). La phrase ou le vers, amples et solennels,
contribuent à inspirer au public horreur, effroi et compassion devant
un destin exemplaire.
Exemple : le registre tragique dans le roman (voyez l'extrait de la lettre CII
des Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos, que nous proposons dans le
cadre de l'étude de ce roman).
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