Edmond Rostand
Cyrano de Bergerac
Au lever du rideau, la salle est dans une demi-obscurité,
vide encore. Les lustres sont baissés au milieu du parterre,
attendant d'être allumés.
Scène Première - LE PUBLIC, qui arrive
peu à peu. CAVALIERS,
BOURGEOIS, LAQUAIS, PAGES, TIRE-LAINE, LE PORTIER, etc.,
puis LES MARQUIS, CUIGY, BRISSAILLE, LA DISTRIBUTRICE,
LES VIOLONS, etc.
On entend derrière la porte un tumulte de voix,
puis un
cavalier entre brusquement.
LE PORTIER, le poursuivant :
Holà ! Vos quinze sols !
LE CAVALIER :
J'entre gratis !
LE PORTIER :
Pourquoi ?
LE CAVALIER :
Je suis chevau-léger de la maison du Roi !
LE PORTIER, à un autre cavalier qui vient d'entrer
:
Vous ?
DEUXIEME CAVALIER :
Je ne paye pas !
LE PORTIER :
Mais...
DEUXIEME CAVALIER :
Je suis mousquetaire.
PREMIER CAVALIER, au deuxième :
On ne commence qu'à deux heures. Le parterre
Est vide. Exerçons-nous au fleuret.
Ils font des armes avec des fleurets qu'ils ont apportés.
UN LAQUAIS, entrant :
Pst... Flanquin...
UN AUTRE, déjà arrivé :
Champagne ?...
LE PREMIER, lui montrant des jeux qu'ils sort de son
pourpoint :
Cartes. Dés.
Il s'assied par terre.
LE DEUXIEME, même jeu :
Oui mon coquin.
PREMIER LAQUAIS, tirant de sa poche un bout de chandelle
qu'il allume et colle par terre :
J'ai soustrait à mon maître un peu de luminaire.
UN GARDE, à une bouquetière qui s'avance
:
C'est gentil de venir avant que l'on éclaire !...
Il lui prend la taille.