La nouvelle interprétation des cycles et des fluctuations économiques : l'économie des cycles réels
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La nouvelle interprétation des cycles et des fluctuations économiques : l’économie des cycles réels

 

Nous savons que pour les tenants de la Nouvelle Économie Classique (NEC), les cycles et fluctuations économiques sont la réponse de l’économie à des chocs exogènes, réponse absolument optimale, ce qui ôte toute légitimité à l’intervention étatique. C’est la thèse de « l’école des cycles réels » (real business cycle) de DE LONG, PLOSSER, KYLAND et PRESCOTT, avec des conclusions très originales (et critiquables) en matière de croissance, de cycle et d’emploi.

En matière d’emploi, les fluctuations du taux de chômage seraient la réponse optimale des salariés à un choc exogène (changement technologique…) ce qui revient à dire que tout chômage est volontaire, même un chômage massif.

En effet, pour l’école du cycle des affaires réel, il existe toujours un niveau salaire pour lequel l’embauche est rentable et pour lequel il y a plein emploi et mis à part les cas où il existe un obstacle réglementaire qui s’oppose à la baisse des salaires, le chômage sera donc toujours volontaire.

Quelles sont les explications au chômage persistant actuel proposées par ces économistes ultra libéraux ?

On trouve au centre des explications que les rémunérations proposées sont insuffisantes : hypothèse faite (et critiquable !) qu’il est toujours possible d’emprunter, les économistes de l’école du cycle des affaires réels estiment que les ménages arbitrent entre travail et loisirs sur l’ensemble de leur vie. Si les salaires sont bas, les ménages vont préférer travailler moins, quitte à travailler plus tard, lorsque le salaires seront plus élevés. Une période de récession n’est plus du coup un déséquilibre, mais une période de forte préférence pour le loisir. Il est alors facile pour les néo-keynésiens d’ironiser les conceptions ultra libérales et d’évoquer la grande dépression de 1929 non plus comme une des plus grandes crises économiques de notre histoire, mais comme une merveilleuse période de grandes vacances !

Parmi les autres explications qui vont dans le sens de l’efficacité irréprochable des marchés, on trouve celles de H. COLE et L. OHANIAN : la grande récession des années trente serait due au niveau excessif des indemnités de chômage, poussant les ouvriers à préférer les loisirs et donc à réduire leur offre de travail.

En matière de fluctuations économiques, on ne dissocie plus croissance et cycle et les cycles sont des conséquences de chocs exogènes ; il n’y a plus l’idée du cycle qui était traditionnellement associé à des problématiques de court terme et qui traduisaient des déséquilibres sur le marché des biens, alors que la croissance renvoyait au rythme de l’accumulation du capital et à des tendances de long terme, insensibles aux déséquilibres temporaires et de court terme des cycles.

On sait que pour les néoclassiques traditionnels, la crise est due à un mauvais fonctionnement des marchés et à des déterminants exogènes : interventions de l’État, structure monopolistique des marchés, groupes de pression, existence de syndicats… La solution aux difficultés consisterait à revenir à une logique de concurrence pure et parfaite.

Pour un premier courant de la Nouvelle Économie Classique (NEC), représenté par LUCAS, le cycle est un cycle d’équilibre, c’est à dire une tendance spontanée de l’économie à revenir à son niveau d’équilibre. Le cycle s’explique par l’adaptation des agents économiques à de nouvelles données monétaires, en particulier à une création monétaire non anticipée. La fluctuation résulte alors d’un effet de surprise qui entraîne de mauvaises anticipations. Lorsque la Banque centrale augmente la masse monétaire, les agents constatent que leurs prix augmentent, mais ils ne perçoivent pas forcément que cette augmentation concerne tous les prix. Ils pensent que cette augmentation des prix provient d’une augmentation de la demande pour leurs produits (ou leur travail s’il s’agit de la population active). Ils vont alors accroître leur offre, ce qui entraîne une expansion. Puis ils vont se rendre compte de leur erreur et ils vont réajuster leur comportement.

Deux remarques concluront ce point :

-          l’effet de surprise jouera d’autant plus que les agents seront habitués à une certaine orthodoxie des autorités monétaires.

-          Un autre phénomène va entrer en jeu et amplifier les fluctuations : c’est le principe de l’accélérateur de l’investissement de AFTALION qui montre que l’investissement est très élastique par rapport aux variations de la production.

L’effet de surprise serait donc gage d’efficacité. Les anticipations rationnelles et le cycle d’équilibre sont admis comme facteurs explicatifs des fluctuations par les économistes de la nouvelle économie classique. Pourtant certains auteurs de ce courant, comme Edward PRESCOTT, Fin KYLAND, Charles PLOSSER et Robert BARRO pensent que l’essentiel du cycle provient de chocs réels dans la sphère réelle. Pour eux, l’explication par la monnaie est insuffisante. La théorie du cycle réel va révolutionner la théorie des cycles et par là-même, la théorie de la croissance.

Jusqu’aux années quatre-vingt, on pensait que la croissance oscillait autour d’une tendance centrale et ce trend résultait de facteurs d’offre (capital, travail et facteur résiduel pour SOLOW). Les keynésiens et même certains nouveaux classiques pensent que, à la fin de la fluctuation, l’économie revient à son taux de croissance tendanciel. Les économistes du cycle réel pensent au contraire que le trend (ou tendance naturelle) n’existe pas. Les fluctuations proviennent de chocs d’offre qui ont des conséquences permanentes sur l’économie : par exemple, le progrès technique, les gains de productivité … vont bouleverser profondément et durablement l’économie. Il n’y a pas d’un côté les déterminants de la croissance à long terme et de l’autre les déterminants des cycles et des fluctuations. La théorie des cycles et de la croissance se rejoignent en une même théorie.

Quels sont donc ces chocs d’offre qui vont orienter pour longtemps le rythme et l’intensité de la croissance économique ?

On peut dégager deux sortes de déterminants de la croissance et du trend :

-          des chocs exogènes, comme des accidents climatiques (qui viennent perturber la production agricole) ou la hausse des prix de certains produits importés (chocs pétroliers) ou des guerres, des révolutions…

-          mais surtout des chocs réels au niveau du progrès technique et de la productivité. Le progrès technique va réorienter la production et l’emploi ; il va provoquer des gains de productivité qui vont à leur tour modifier les fonctions de production. Les entreprises vont accroître leur demande de travail et augmenter les salaires mais surtout leur nombre d’heures travaillées. Comme l’offre de travail est très sensible aux salaires, l’emploi doit logiquement augmenter et le chômage baisser puisque les salariés vont travailler plus et réduire leurs loisirs.

Les cycles sont donc des incidences, des mutations permanentes et non temporaires ; elles sont détachées de la monnaie qui est « super neutre » et les conséquences des chocs exogènes et réels sont vertueuses car ce sont des ajustements nécessaires qu’il ne faut pas chercher à éviter ou à limiter.

Les contradicteurs de Keynes connaissent depuis les années soixante-dix un important regain d’audience. Est-ce que cela signifie pour autant que les thèses keynésiennes sont discréditées ? Ce n’est pas le cas au moins pour deux raisons :

-          les critiques issues de la nouvelle macroéconomie classique partent des hypothèses que l’économie est en équilibre et qu’il existe un niveau de chômage « naturel » et évacuent d’emblée les questions du sous-emploi, de ses origines, des défauts de coordination, d’incertitude, d’asymétrie de l’information… autant de terrains sur lesquels les keynésiens actuels vont se placer,  

-    des outils imaginés par les ultra libéraux vont être repris par la nouvelle macroéconomie keynésienne et retournés contre leurs auteurs ; par exemple, les nouveaux keynésiens vont reprendre les fondements microéconomiques de la nouvelle économie classique et ils vont aboutir à des conclusions contraires à celles des ultra libéraux, à savoir que le « taux de chômage naturel » peut être instable et que le chômage peut être involontaire.