DES RELATIONS AMBIGUËS AVEC LES
ÉTATS ET LES ENTREPRISES Les
organisations non gouvernementales (ONG) sont devenues un reflet de la société
civile et constituent des acteurs
essentiels du débat public international. Interlocutrices aujourd’hui
incontournables, certaines entretiennent des relations ambiguës entre-elles mêmes,
mais aussi avec le secteur privé et les États. Les entreprises ont compris que
les contacts loyaux avec les ONG et la société civile entretiennent leur image
et créent un climat favorable à leurs affaires. Les avantages sont réciproques ;
certaines ONG sont étroitement dépendantes des entreprises et des États qui
les financent. En moyenne, 80 % des ressources des ONG proviennent de la manne
publique (Alternatives Économiques n°199-Janvier 2002). Une ONG comme
l’organisation californienne Global Exchange, a un budget de 4 millions d’euros,
50 permanents et 15 000 membres. Ses recettes proviennent de ses membres, des
conférences de son leader Kevin DANAHER, du tourisme « citoyen »
(visite d’hôpitaux à Cuba, de fermes bio aux Philippines…), de la vente en
ligne de produits « équitables », de dons de fondations. Or l’une
d’entre elles, la Ben & Jerry Fondation est financée par la
multinationale alimentaire hollandaise Unilever. Le paradoxe n’est
qu’apparent ; Ben COHEN et Jerry GREENFIEL ont vendu leur marque de
glaces à Unilever à condition qu’elle consacre 5 millions d’euros à des
actions humanitaires. Des entreprises financent des mouvements anti-mondialisation et des Institutions internationales et cherchent à être reconnues comme des acteurs civiques internationaux. Lorsque Georges SOROS finance le Ella Baker Center contre la discrimination raciale, c’est que les dons donnent droit à des allègements d’impôt. Ted TURNER, fondateur de CNN, soutient Projest Underground, très critique envers les industries minières. Il a en outre promis un milliard de dollars aux Nations unies. Bill GATES a versé 400 millions de dollars à l’Organisation mondiale de la santé. Douglas THOMPKINS qui dirigeait les marques Esprit et The NORTH FACE a versé 150 millions d’euros à la fondation Deep Ecology. Des capitalistes changent de camp :
Craig COHON, ex-patron du marketing de Coca-Cola en Europe vient de récolter
100 millions de d’euros pour son organisation contre la pauvreté urbaine
Global Legacy. Il n’empêche que les écarts
de budgets entre les ONG et les entreprises et Institutions internationales sont
immenses et largement mis en exergue par les anti-mondialistes ; le
budget de communication de la Banque mondiale est de 40 millions d’euros par
an. Les dépenses de publicité de NIKE dépassent 500 millions d’euros par an
et 20 millions d’euros sont versés chaque année à Michael JORDAN, ce qui
correspond à 44 492 ans de travail d’une ouvrière de NIKE à JAKARTA ;
pendant ce temps, NIKE et d’autres entreprises s’engagent dans des
actions internationales ; Kofi ANNAN, Secrétaire général de l’ONU,
a convaincu Phil KNIGHT, fondateur et P-DG de NIKE de rejoindre le programme
international Global Compact, dont l’objectif est d’améliorer les
conditions de travail des pays en voie de développement. En outre, avec 3 % des
profits avant impôts (19 millions d’euros en 2001), la Fondation NIKE mène
des actions humanitaires aux États –Unis lutte contre le diabète dans la
communauté noire). Au sein même des ONG, une hiérarchie
se dessine : le recours intensif à la diffusion d’informations et
d’expertises par Internet favorise l’organisation
de débats et l’échange d’idées reflétant souvent les préoccupations
des élites des ONG du Nord. Et même parmi celles-ci, les organisations américaines
prédominent. Elles profitent dans la diffusion de leurs idées de l’autorité
et des moyens propres au pays dominant. Dans la lutte contre l’Accord Multilatéral
sur l’Investissement (AMI) en 1995, les informations stratégiques provenaient
exclusivement de quelques ONG américaines (Word Wilde Fund for Nature et
Friends of the Earth. Aux États-Unis, les représentants de la société civile
sont souvent des lobbyistes et des experts professionnels bien payés, sortant
des universités prestigieuses, avec d’importants moyens financiers. Rien à
voir avec les minorités agissantes d’Amérique du Sud et du continent
asiatique. À DOHA en novembre 2001, les
ONG du Nord se sont opposées aux ONG du Sud et à leurs États, à propos
de leurs revendications en matière de normes sociales et environnementales, qui
sont apparues aux yeux de ces dernières comme un protectionnisme déguisé. Les États ont aussi une position
face aux questions soulevées par les ONG qui peut sembler ambiguë. La conférence
de l’OMC à SEATTLE en décembre 2001 a échoué non pas en raison des ONG qui
ont accrédité l’idée que leur contestation avait joué un rôle important,
mais à cause du refus des pays du tiers-monde d’inclure dans les négociations
commerciales le respect des pratiques sociales minimales que proposaient
les pays riches et les ONG, ce qui peut paraître paradoxal. Ces nouvelles
normes sociales, sans rapport avec les modes de vie des PVD, ont été comme à
DOHA, considérées par ces derniers comme des mesures protectionnistes
provenant de syndicalistes américains voulant avant tout protéger leurs
emplois. |