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L’analyse classique originelle
: une
vision statique du commerce international Depuis la fin des années soixante, on assiste à un renouveau théorique du paradigme ricardien, fondé en 1817, avec la théorie des avantages comparatifs. Cette théorie est à la fois simple et puissante. Karl MARX, admirateur de RICARDO, qualifiait la thèse ricardienne de véritable « perle ». Même si un pays n’a aucun avantage productif par rapport aux autres pays, il a quand même intérêt à se spécialiser dans le secteur où il a le plus faible désavantage et il tirera donc un avantage de l’échange international. Précisons la notion d’avantage comparatif et levons bien des ambiguïtés qui subsistent dans les ouvrages. En fait, l’avantage comparatif n’est pas un avantage par rapport à un autre pays, un avantage en se comparant à un autre pays. C’est l’avantage entre deux productions dans le même pays c’est-à-dire l’avantage d’une production par rapport à une autre production dans le même pays. Un pays aura intérêt à se spécialiser dans la production pour laquelle il a la meilleure productivité et non pas dans la production qui est meilleure que celle d’un autre pays ; on retrouverait là les avantages absolus de SMITH ainsi que les limites de cette thèse, à savoir que si un pays n’a pas d’avantage absolu, il ne peut se spécialiser et il est de fait exclu de l’échange international. Il y aurait donc pour RICARDO une sorte de main invisible du commerce international qui ferait que la spécialisation contienne en elle-même un certain nombre de vertus. Il démontre cette idée avec l’exemple du drap et du vin dont nous nous sommes inspirés dans les parties précédentes. RICARDO montre que l’avantage des échanges dans l’exemple qu’il retient est, paradoxalement, pour les Portugais (n’oublions pas ses origines portugaises…) et nous avons là la première formulation du commerce international comme un jeu à somme positive. Tous les pays doivent y gagner et le libre-échange devient le paradigme de la pensée libérale. Ce théorème ricardien est d’autant plus puissant qu’il a été formulé au début du XIXème siècle, dans une économie semi-rurale. Ce fut une idée, mais aussi un mouvement puisque les idées de RICARDO ont joué un rôle économique important dans l'histoire économique de la Grande-Bretagne. En effet, RICARDO a initié l’économiste et homme politique britannique Richard COBDEN qui va ardemment défendre l’idée du libre-échange et lutter en particulier contre les avantages inconsidérés que les céréaliers anglais retiraient des Corn Laws. Cette législation interdisait toute importation de blé, de façon à protéger les agriculteurs britanniques de la concurrence étrangère et surtout du blocus napoléonien. Cette lutte a abouti en 1846, 23 ans après la mort de RICARDO, à l’abolition des Corn Laws, summum du triomphe des conceptions de RICARDO, mort en 1820. Quel est le sens véritable de l’abolition des Corn Laws ? Quels avantages en étaient attendus ? On entend, la plupart du temps, que l’abolition des Corn Laws se réduit à la suppression des droits de douane sur le blé et que les Anglais se donnent par conséquent le droit d’aller dans les pays qui vendent ce blé moins cher, pour y vendre en échange leurs produits industriels. C’est une sorte d’échange commercial : les Anglais se créent un désavantage sur le blé, à condition de pouvoir accéder librement à de nouveaux marchés et y vendre la production anglaise. C’est finalement un échange d’équivalent. Le raisonnement de RICARDO était bien-sûr celui-là, mais il était en fait beaucoup plus riche. En baissant ou en supprimant les droits de douane, le blé qui se vendra en Angleterre sera beaucoup moins cher que le blé anglais, ce qui signe bien-sûr la disparition des producteurs anglais de blé, sauf ceux qui arrivent à aligner leurs prix sur le blé importé. Mais le blé est un élément central de ce que RICARDO appelle les biens salariaux, c’est-à-dire les biens qui servent à la reproduction de la force de travail (80 % de la nourriture étaient constitués par le pain). Donc à partir du moment où le prix du blé baisse, les salaires peuvent baisser sans que le niveau de vie des salariés baisse, et de cette façon, les profits peuvent augmenter. C’est la justification de l’abolition des Corn Laws et une première démonstration historique que le libre-échange est un facteur de croissance. À partir du moment où le prix des biens de subsistance baisse, il y a possibilité d’accumulation, ce qui contrarie de façon heureuse, la théorie ricardienne en matière de croissance, qui est fondamentalement pessimiste. Rappelons qu’on y trouve l’idée que le profit est résiduel et que la rente foncière doit inévitablement conduire à la baisse u taux de profit, donc à un état stationnaire. Donc le libre-échange est fondamentalement un moyen de retarder cet état stationnaire et permettre à la croissance, au moins pour un temps, de se prolonger. Le théorème ricardien va, par la suite, être repris et il sera généralisé en dehors de son contexte initial semi-agricole, qui ne correspond plus du tout à l’environnement actuel. Notons qu’une caractéristique de la thèse ricardienne est que le commerce international obéit à des différences dans les techniques de production, différences qui existent entre les grands secteurs productifs. |