La crise actuelle n’est pas seulement financière,
elle est aussi systémique. Si la finance en a été
le détonateur, notre modèle économique régulé
par la cupidité, a quant à lui répandu la
poudrière. La course effrénée aux profits
conjuguée à une consommation excessive nous ont
fait croire à un bonheur économique garanti par
l’augmentation du P.I.B. La croissance détermine
le niveau de l’emploi, conditionnant ainsi notre niveau
de vie et de protection sociale. Aussi son retour est-il tant
espéré en cette période de crise. Elle permet
à chaque acteur économique d’avoir davantage
et donc de pouvoir satisfaire ses besoins selon l’adage
« c’est en ayant plus que l’on vit mieux ».
La crise actuelle est la conséquence de cette croyance
aveugle à laquelle nous adhérons tous.
Or, nous voilà plongés dans la crise la plus grave
d’après guerre, où « l’avoir plus
» est devenu une illusion.
Et pourtant, malgré la gravité de la récession,
l’idée d’avoir plus influence et guide toujours
nos comportements égoïstes.
La crise sonnera-t-elle le glas de l’accumulation de richesses
devenue la finalité de l’économie ?
Sera-t-elle à l’origine d’un changement de
nos comportements et d’une meilleure répartition
des richesses ?
Il existe deux façons de faire progresser la production.
La première consiste à produire plus avec la même
quantité de travail au moindre coût au risque de
mettre en péril le climat, d’épuiser les ressources
naturelles, et de fragiliser davantage le travail.
La seconde consiste à produire et à consommer autrement
en préservant l’environnement naturel, en développant
les services et la qualité.
Créer des emplois, des richesses durables, répartir
les revenus de manière plus équitable, et consommer
moins mais mieux, sans croissance des quantités produites,
mais par la croissance de la qualité est une solution rendue
possible par le progrès technique.
Produire des produits biologiques, des voitures propres, des biens
durables et recyclables nécessite plus de travail, crée
de nouveaux emplois et dégage davantage de pouvoir d’achat
grâce à une répartition plus équitable
des richesses. Alors pourquoi ne pas explorer cette voie et s’y
engager ?
La performance de l’économie n’est pas seulement
quantitative, elle est aussi qualitative. Cet aspect de la croissance
semble échapper à la logique comptable, malgré
la richesse qu’il représente. Le bien-être
ne se mesurerait-il pas ?
Désormais, sortir définitivement de la crise et
préparer l’avenir des générations futures,
implique de passer d’une économie fondée sur
« l’avoir plus » à une économie
fondée sur « l’être mieux ». Autrement
dit, passer d’un modèle productiviste dominé
par le court terme à un modèle du bien être,
dans lequel l’activité économique serait basée
sur la qualité et sur l’usage des biens plutôt
que sur leur possession.
Loin de s’en désoler, ne faudrait-il pas s’en
féliciter ?
La finance a longtemps privilégié le premier modèle
et activé les rouages d’une croissance des quantités
plutôt que ceux d’une croissance de la qualité.
Elle a figé pendant des décennies l’économie
réelle sur le temps présent pour accroître
la rentabilité financière.
Mais la logique comptable et financière en négligeant
ainsi la rentabilité économique, la valeur ajoutée
de la qualité et celle du bien être, a conduit son
propre modèle économique dans un cycle dépressif.
Et, en différant les investissements, elle a retardé
la recherche et l’innovation capables d’amorcer cette
mutation dans laquelle le paradigme « c’est en étant
mieux on vit mieux » trouve tout son sens.
Or, aujourd’hui, dans ce contexte de crise, cette activité
économique durable est plus que jamais reléguée
au dernier rang des préoccupations des institutions et
des acteurs économiques.
Mais au-delà des soins prodigués dans l’urgence
par les multiples plans de relance pour faire redémarrer
les moteurs de la croissance, il faudra en revenir à ce
vieil adage « aux grands maux les grands remèdes
», et comprendre qu’une crise de grande ampleur implique
une vision de grande ampleur, à défaut de laquelle,
les mêmes causes produiront les mêmes effets.
Il faut profiter de la crise pour en finir avec le culte de la
croissance quantitative et s’orienter vers une croissance
qualitative source de bien-être grâce aux nouvelles
technologies. C’est une autre vision du progrès,
qu’il faut désormais mettre au service de l’économie
durable où « l’être » prime sur
« l’avoir ». Cette orientation nécessite
de nouvelles règles de fonctionnement de notre économie.
Elle suppose une révolution radicale de nos de modes de
production et de consommation. Cela implique des changements substantiels
dans notre manière de travailler, de répartir la
valeur ajoutée et de la mesurer.
C’est là que la volonté politique renforcée
par ce retour de l’interventionnisme devrait tracer et imposer
les voies de cette nouvelle forme de croissance économique
au service de l’homme et de l’environnement.
Les Pouvoirs Publics sont les seuls à avoir la légitimité
d’agir sur les trois rouages de l’activité
économique (Production-Répartition-Consommation)
pour provoquer l’accélération de ce changement
structurel. L’idée qu’en vivant autrement on
peut vivre mieux pourrait ainsi se concrétiser dans les
actes de la vie quotidienne. L’économie n’est
pas une machine qui n’obéit qu’à des
règles mécaniques.
Construire cette nouvelle économie exige un projet capable
de restaurer la confiance en l’avenir en fédérant
les Etats à un niveau supranational. Cette ambition fait
aujourd’hui défaut, et pourtant la gravité
de la crise offre aux Etats l’opportunité de construire
ce nouveau modèle.
Face à ce qu’il faut bien appeler une révolution
civilisationnelle, préfèrerons-nous encore «
l’avoir plus » à « l’être
mieux » ? Là est la question.
Gérard Fonouni
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