La diminution
de l'intervention de l'État est-elle une source de croissance
économique ?
I - ANALYSE DU SUJET
Le sujet proposé est un sujet de synthèse. Le rôle
et la place de l'Etat dans la croissance sont examinés
dans plusieurs points du programme, dans l'Introduction et le
"rôle des pouvoirs publics" principalement mais
aussi dans d'autres thèmes. On attend du candidat une argumentation
claire et une analyse correcte des documents. Ceux-ci ne posent
pas de grandes difficultés et encadrent bien le sujet.
II - CORRIGE
Introduction
Le retour du libéralisme après une longue absence.
La crise de 1929 semblait l'avoir effacé des préoccupations
des économistes. Tous étaient peu ou prou keynésiens
: aux Etats-Unis le républicain Richard Nixon le proclamait
et en France Jacques Chirac se disait « travailliste. »
Le ralentissement économique depuis le milieu des années
70 a remis en évidence le débat sur la place de
l'Etat dans l'économie et la société. Les
années 80 ont vu un regain du libéralisme dans les
théories économiques et les politiques mises en
place. Il est possible et intéressant, avec le recul des
20 dernières années, de s'interroger sur le degré
d'intervention de l'Etat souhaitable pour la croissance économique,
cette augmentation soutenue, pendant une période longue
de la production d'un pays.
Si le libéralisme s'est largement imposé comme
une voie de sortie de la crise depuis les années 80, cette
issue ne semble pas en mesure d'assurer une croissance aussi longue
et soutenue que celle des « trente glorieuses »
1. LA DEREGLEMENTATION : UNE ISSUE A LA CRISE
La fin des « trente glorieuses » conduit à
une mise en cause du modèle fordiste. Le tournant libéral
des années 80 à produit des résultats mitigés
A - La mise en cause de l'intervention de l'état.
Influence des théoriciens de l'offre aux Etats-Unis :
la critique du keynésianisme par Milton Friedman, Arthur
Laffer. Ces auteurs ont repris et prolongé les thèses
d'Adam Smith (et d'autres classiques) pour condamner l'intervention
de l'Etat .
L'Etat est accusé de générer des rigidités
sur les marchés (du travail ou du capital). On lui reproche
de mettre en place des obstacles au marché et à
l'initiative privée.
B - La mise en place du libéralisme
Le "tournant" libéral s'opère en Grande
Bretagne (Thatcher 1979) et aux Etats-Unis (Reagan 1980). Il interviendra
en France plus tard (après 1983) et de façon moins
forte qu'aux EU ou en GB.
Le désengagement prend plusieurs formes privatisations,
déréglementation, réduction des déficits
publics, baisse d'impôts.
La flexibilité augmente sur le marché du travail
sous diverses formes.
Les marchés des capitaux se "globalisent" (déréglementation,
décloisonnement, désintermédiation).
On cherche à réduire les prélèvements
obligatoires.
La priorité est donnée à la lutte contre
l'inflation (par des politiques monétaires restrictives)
La construction européenne se fait aussi sur une inspiration
libérale de désengagement de l'Etat (baisse de l'endettement
et des déficits publics).
C - Les résultats économiques
Les politiques menées semblent donner des bons résultats
sur le plan économique : reprise de la croissance aux EU
et en GB, baisse du chômag.
Baisse de l'endettement en GB.
En France, la croissance reste faible, comme en Allemagne. Les
taux de chômage demeurent élevés malgré
la maîtrise des coûts salariaux et une plus grande
flexibilité sur le marché du travail.
La lutte contre l'inflation est par contre une réussite
dans tous les pays.
Ces résultats contrastés nous conduisent à
relativiser l'impact sur la croissance économique de ce
tournant libéral.
2. UNE CROISSANCE QUI RESTE FRAGILE
Le libéralisme a souvent pris la forme d'une déréglementation
aux effets déstructurants, or le bon fonctionnement de
l'économie s'accommode volontiers d'une certaine dose de
régulation, comme l'illustrent, paradoxalement, les succès
que revendique le libéralisme
A - Les limites du libéralisme.
Le libéralisme a des effets limités (France-Allemagne).
La flexibilité et la précarité sur le marché
du travail pèsent sur la consommation, d'autant plus que
le chômage reste fort.
La répartition du revenu national évolue en faveur
des entreprises (hausse du taux de marge en France depuis 1983)
mais la reprise de l'investissement n'apparaît qu'en 1998.
La liberté de circulation des capitaux au niveau mondial
accroît les fragilités dans le domaine financier
et les risques de krach.
Aux EU on a toujours un déficit commercial très
important.
B - L'Etat-Providence : une nécessité pour la croissance.
L'action redistributive de l'Etat était déjà
au cœur de la croissance fordiste des "Trente Glorieuses".
Outre la protection sociale des plus démunis, le salaire
indirect (revenus de transfert, allocations...) permet de soutenir
la consommation et donc la croissance (théorie de la demande
effective chez Keynes).
La remise en cause de l'Etat-Providence a aussi accru les inégalités
(ex : EU, GB, France).
L'insuffisance de la demande est l'une des explications de la
faiblesse de la croissance en France jusqu'en 1998).
C - Les succès (relatifs) du libéralisme sont en
bonne part liés... à l'intervention de l'Etat.
Aux Etats-Unis certains estiment que la forte croissance économique
des années "80" et "90" doit plus au
déficit budgétaire (important jusqu'en 1997) qu'aux
vertus du libéralisme.
Les pouvoirs publics en Europe sont restés très
présents : les prestations sociales en France représentent
un tiers du revenu disponible des ménages. Le secteur public
reste très important. Le "workfare" en GB est
une forme - même atténuée - d'interventionnisme.
Finalement l'action de l'Etat apparaît encore comme un
soutien de la croissance, en améliorant l'efficacité
du marché et des entreprises (théories des externalités
)
Conclusion
Si l'intervention trop pressante de l'Etat finit par étouffer
le dynamisme de l'économie son absence relative, a des
effets déstructurants et finalement négatifs sur
le tissu économique et social des nations.
A la faveur de l'histoire économique récente, le
débat n'est plus de se positionner : "pour" ou
"contre" l'Etat. La question importante est sans doute
: Quel Etat ?
La reprise de la croissance depuis 1998, mais aussi les perspectives
de ralentissement donnent à cette question encore plus
d'acuité.
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