Des
chiffres et des lettres : le tempo de l’économie
!
A
l’heure où les risques de faillite de la Grèce
se précisent chaque jour davantage et où la recapitalisation
des banques a été acceptée pour éponger
au moins 50% de la dette grecque, la France et ses voisins annoncent,
les uns après les autres, des plans de rigueur drastiques.
Tous agissent
au fond comme si la confiance des marchés financiers en
la solvabilité budgétaire des Etats était
une sorte d’indicateur suprême, celui sur lequel il
convient désormais de fonder toute politique économique.
La politique économique des Etats tient en trois lettres
: AAA.
Sous la pression de ces trois lettres attribuées par les
agences de notation, les marchés financiers imposent aux
Etats de monter la rigueur d’un cran supplémentaire,
comme si le premier n’était pas déjà
suffisamment douloureux.
Ils se sont lancés dans cette course effrénée
à l’austérité préférant
obtenir un triple A pour réduire leur dette plutôt
qu’un triple A pour relancer la croissance et l’emploi.
La perspective d’une dégradation de leur note paralyse
les dirigeants européens en mal d’audace économique
et qui voient en la surenchère des plans de rigueur leur
seul salut économique. Le contentement immédiat
des marchés prime sur toute stratégie de croissance
à moyen et long terme et la sauvegarde du capital confiance
que les agences de notation fondent en tel ou tel Etat membre
de la zone euro, les pousse à fermer les yeux sur les risques,
non moins réels, d’une seconde récession.
Alors, pourquoi s’engager dans cette voie conduisant à
moins de chiffres de croissance et à plus de chômage
?
Sachant leur responsabilité dans la notation des subprimes,
pourquoi continuer à s’en remettre aux agences de
notation pour juger des performances de l’économie
?
Naturellement, la réduction des déficits budgétaires
à moyen terme est indispensable. Les Etats ne peuvent conserver
indéfiniment des taux d’endettement élevés
au point que la charge de la dette se hisse parmi leurs premiers
postes de dépenses budgétaires. Mais la réduction
des déficits ne peut être mise en œuvre efficacement
que dans un contexte de croissance solide et stable.
L’Europe aveuglée par « les trois lettres »
s’est engagée trop tôt dans le pari de l’austérité.
Elle fait courir le risque d’étouffer la croissance
et d’enliser l’économie dans un chômage
de masse à deux chiffres. Elle risque de précipiter
son économie dans ce cercle vicieux où la rigueur
appelle la rigueur, car la confiance des financiers repose avant
tout sur les chiffres réels de la croissance et non sur
des lettres fictives faussant très souvent les performances
économiques à moyen terme.
La réduction des dépenses publiques reste la solution
choisie, malgré la menace qu’elle fait peser sur
la progression du PIB. Or, un tel choix ne rassurera pas pour
autant les créanciers financiers, qui face aux risques
des mauvais chiffres de l’activité économique,
pourraient augmenter leurs taux d’intérêt pour
pallier le danger du non recouvrement de leurs créances.
Les mauvais chiffres pourraient bien vite faire perdre les bonnes
lettres.
A l’inverse, ce n’est qu’en pariant sur une
politique commune de croissance et de l’emploi, que les
pays européens remettront les finances publiques en ordre
et rétabliront la confiance financière. Le salut
ne peut venir que du retour de la croissance garantissant le remboursement
des dettes et certainement pas en prenant le risque d’une
austérité généralisée provoquant
l’insolvabilité des Etats.
Il faut renouer d’urgence avec les chiffres de la croissance
si l’on veut sortir rapidement de la crise des dettes souveraines.
Les bons chiffres feront ainsi gagner de bonnes lettres car ils
donnent le « l’A» de notre économie.
G.F.