Les comportements financiers des ménages
et des entreprises depuis 1980 dans les principaux pays développés
Dans le système de Bretton Woods mis en place après
la Seconde guerre mondiale, les taux de change étaient
fixes et les mouvements de capitaux faisaient l’objet de
contrôle stricts. La mobilité des capitaux était
plus difficile que de nos jours ce qui n’a pas empêché
le développement des euro-marchés. Le système
par la contrainte qu’il imposait aux agents privés,
créait des comportements financiers propres aux entreprises
et aux ménages. Les banques pouvaient par exemple, emprunter
pour leurs clients dans les devises d’autres pays. A la
chute du système de taux de change fixes, au début
des années soixante-dix, le contrôle sur le mouvement
des capitaux a disparu au profit d’une liberté plus
grande et d’un flottement des monnaies. Pour certains, cette
plus grande liberté devait se traduire par une meilleure
allocation de l’ épargne et de l’investissement
; pour d’autres la création de zones monétaires
était un palliatif à un trop grand désordre.
A un niveau macroéconomique, ces différents changements
suscitent des nouveaux comportements financiers, tant au niveau
des entreprises que des ménages. Ceux-ci peuvent se définir
comme les conduites adoptées en fonction des circonstances,
conjoncturelles et institutionnelles, pour investir on emprunte
des capitaux. Un agent peut essayer d’allouer au mieux son
capital, dans ce cas il fait un placement financier. A l’inverse,
il peut aussi emprunter, dans ce cas il cherchera à le
faire à un coût minimum. Les comportements financiers
retracent les mouvements de capitaux, dans le cas qui nous intéresse,
des entreprises et des ménages, pour une période
allant des années quatre-vingt à nos jours pour
les principaux pays industrialisés. Nous chercherons à
développer les différents comportements financiers
des entreprises et des ménages en essayant de faire apparaître
les relations entre les systèmes en vigueur et les comportements
qui en découlent.
Pour cela, nous verrons d’abord l’influence de la
crise financière et des taux d’intérêt
sur les comportements, pour nous intéresser ensuite aux
problèmes d’asymétrie d’information
et aux solutions proposées pour remédier à
ceux-ci.
L’instabilité financière que connaissent
certains pays développés serait due à une
crise de l’endettement. Depuis le début des années
quatre-vingt, les agents privés seraient surendettés
et susceptibles ainsi de déclencher une crise financière.
Le surendettement aurait un impact aussi sur la politique économique
des pays industrialisés. Les comportements financiers des
ménages et des entreprises sont révélateurs
d’un passif de leur situation financière.
Les analyses macroéconomiques des crises financières
peuvent être tirées de l’approche de Minsky.
Celui-ci montre, en effet, que la structure des taux, influence
le comportement financier des agents privés. Dans une première
phase, de faibles taux d’intérêt peuvent stimuler
l’investissement, les agents anticipent une augmentation
des profits et l’investissement repart. La demande fonds
qui s’ensuit déclenche une augmentation progressive
des taux.. Les nouveaux crédits servent à rembourser
les anciens. La structure financière se dégrade.
Minsky définit trois types de structures : Hedge, spéculative
et Ponzi. Dans la première les revenus dégagés
couvrent la charge de la dette ; dans la deuxième, les
revenus permettent le remboursement des intérêts,
pas du capital, dans la troisième il faut trouver un autre
financement pour rembourser la charge de la dette (intérêts
et capital). Dans la structure de type « ponzi »,
les agents doivent vendre des actifs pour faire face à
leurs remboursements. En cas de désinflation, il s’ensuit
une perte de valeur des actifs et une augmentation, en valeur
réelle, de la charge de la dette. Cette situation peut
provoquer un changement de comportement des agents, notamment
des entreprises. En effet, celles-ci ont préféré,
pendant la période de désinflation, réduire
leur endettement par un financement extérieur, pour s’autofinancer.
Nos constatons les effets de la baisse des prix sur les comportements
financiers, celle-ci provoque de facto une augmentation de la
valeur réelle des remboursements. Il s’établit
une relation de cause à effet entre taux d’intérêt,
chute des prix et comportements financiers.
A la suite du changement de la politique américaine au
début des années quatre-vingt et de l’augmentation
des taux d’intérêt, les comportements financiers
ont changé et évolué par rapport aux périodes
d’inflation des décennies précédentes.
Le décloisonnement du système financier entre le
crédit et le marché des titres a contribué
au maintien du niveau élevé des taux d’intérêts
réels.
Les entreprises ont souhaité assainir leurs structures
de bilan et redresser leur rentabilité. Nous avons assisté,
tout d’abord, à une modernisation de l’appareil
productif, faisant suite à une politique de désinflation
compétitive, notamment après les restructurations
des années 1983-1984. Le capital s’est substitué
au travail de manière plus prononcée pendant cette
période. De plus, le mouvement important de désintermédiation
a multiplié les opportunités de placement. La gestion
patrimoniale des entreprises est devenue plus efficace, ce mouvement
a modifié durablement les comportements financiers des
entreprises.
La guerre du Golfe, au début des années quatre-vingt-dix
a accentué ce phénomène. Les chefs d’entreprise
ont montré beaucoup de prudence dans l’investissement
productif, préférant orienter les capitaux libérés
dans les produits financiers. Certains ont profité de leurs
bénéfices pour se désendetter, de gérer
au mieux leur trésorerie, et d’investir dans des
placements financiers. L’augmentation des rendements des
produits financiers a eu des répercussions pour la sphère
productive. En effet, au fur et à mesure de leur accroissement,
les chefs d’entreprise se sont sentis obligés d’augmenter
leur productivité, de rationaliser leur outil de production
pour suivre le même rythme. Les gains de productivité
dégagés pendant ces années, la modification
du partage de la valeur ajoutée au détriment de
la part salariale, ont dégagé de nouvelles ressources.
Celles-ci ont successivement permis le désendettement,
l’autofinancement, et l’investissement dans le domaine
de la production mais aussi financier. Le comportement financier
des entreprises depuis les années quatre-vingt connaît
une mutation structurelle par rapport à la décennie
précédente. Certaines entreprises dégagent
des capacités de financement, c’est un fait sans
précédent depuis la Reconstruction de la France.
Par leurs efforts de compression des dépenses, de rationalisation
de la production, de réduction de la dette, les entreprises,
moins soumises aux débats des banques commerciales peuvent
investir dans les marchés financiers.
De plus, la globalisation financière a fait apparaître
des produits nouveaux sur des marchés en expansion. La
mobilité des capitaux est beaucoup plus importante de nos
jours et ceux-ci sont plus facilement substituables entre eux.
Les données de la BRI (Banque des Règlements Internationaux)
font état d’un montant de plus de 1200 milliards
de dollars de transactions quotidiennes. Cela correspond à
plus de quarante fois le commerce mondial journalier. Ce qui montre
qu’une transaction commerciale entraîne une multiplicité
d’opérations de change. De nouveaux marchés
sont apparus pour répondre à ces besoins, notamment
avec l’introduction des produits dérivés.
Ces derniers sont des contrats à terme d’instruments
financiers et des contrats d’échange de taux d’intérêt.
Ils permettent aux agents, en particulier, de se couvrir contre
les fluctuations des marchés. Ils entraînent, de
facto, de nouveaux comportements aussi bien pour les entreprises
que pour les ménages. La globalisation financière
multiplie les risques sur l’ensemble des marchés
et accroît la spéculation.
Comme le note J.P. Allégret dans la revue : Informations
et commentaires, en 1996, « Globalisation financière
: quels enjeux pour le système monétaire international
», la globalisation financière a entraîné
la création de nouvelles institutions et de nouveaux acteurs.
Le fonds de pension comme LTCM (Long Term Capital management)et
aussi les hedge fonds, les compagnies d’assurance, les fonds
d’investissement sont de nouveaux acteurs, très actifs
sur ces marchés. Le processus de déréglementation
a permis le décloisonnement des métiers, les banquiers
ont pu se lancer dans l’assurance et inversement. Tous ces
changements ont modifié les comportements financiers des
ménages et des entreprises.
Les fonds européens et américains s’élevaient
en 1991 à plus de 800 milliards de dollars. Les moyens
de gestion actuels, aidés par l’informatisation,
essaient de maximiser les profits sur des marchés de plus
en plus vastes. La notion de frontières nationales n’a
plus aucune valeur pour les responsables des fonds de pension
par exemple. Les entreprises parce que mieux informées,
mais aussi les ménages dans une moindre mesure, tentent
de profiter de ces nouvelles opportunités. La globalisation
financière entraîne de nouveaux comportements.
Ceux-ci sont aussi fonction du rôle de l’information
dans les marchés financiers et de nombreuses analyses essaient
de montrer les problèmes dus à une information asymétrique.
Les crises financières peuvent être expliquées
à l’aide de ces analyses, elles peuvent aussi permettre
de comprendre les différences de comportements. Ces phénomènes
peuvent être analysés par deux critères :
l’antisélection (adverse selection) et l’aléa
moral. L’antisélection a lieu avant la transaction,
le candidat le plus « mauvais » aura tout intérêt
à être sélectionné surtout s’il
sait qu’il n’a pas les moyens d’assumer ses
échecs. L’aléa moral se manifeste après
la transaction, une des deux parties dissimule la réalité
de ses projets et entraîne l’autre, en cas d’échec,
dans des difficultés. Ces problèmes se rencontrent
désormais dans les marchés financiers qui sont soumis
à une montée de l’incertitude.
Les faillites de certains établissements financiers, la
récession, des changements d’orientation politique,
un krach boursier,… participent à une montée
de l’incertitude. Celle-ci a des répercussions sur
l’asymétrie d’information sur les marchés
financiers et suscite des problèmes d’antisélection
et d’aléa moral. Ces problèmes ont des conséquences
sur les comportements financiers des ménages et des entreprises.
Les entreprises les mieux gérées peuvent par exemple,
se voir refuser un crédit de la part de leur banquier.
En effet, celui-ci échaudé par un mauvais payeur
(problème d’antisélection), peut augmenter
ses taux d’intérêt et dissuader certaines entreprises
de contracter un prêt. A l’inverse, un chef d’entreprise
imprudent peut se lancer dans des affaires incertaines, quant
à leur résultat, et solliciter un prêt sachant
qu’il aura des difficultés à le rembourser
(problème d’aléa moral). Le problème
de l’asymétrie de l’information influence le
comportement financier des entreprises et dans une moindre mesure,
celui des ménages.
Un certain nombre de solutions sont possibles pour diminuer l’incertitude
sur les marchés financiers et rassurer les comportements
financiers des entreprises, mais aussi des ménages. Le
manque d’information peut entraver le développement
des marchés financiers et provoquer des comportements contraires
au bon déroulement de l’allocation du capital. L’action
de l’Etat, en particulier, peut prévenir, par ses
moyens institutionnels, des mauvaises coordinations. La réglementation
nationale et internationale participe à ce processus d’ajustement.
La réglementation stimule à la fois la concurrence
et permet d’éviter la constitution de monopoles financiers.
Elle diminue les problèmes liés à l’asymétrie
de l’information. Rassurés par ces différentes
mesures, les agents peuvent avoir des comportements financiers
plus favorables à une prise de risque. Dans le secteur
bancaire, les règles prudentielles instaurées ont
permis d’éviter des crises financières et
ont ainsi rassurés les agents privés.
En effet, les déposants, en l’absence de réglementation
rigoureuse, peuvent décider de retirer leurs fonds précipitamment
et entraîner le système dans une quasi-faillite.
Les conséquences macroéconomiques peuvent en être
importantes et rendre ainsi les comportements financiers des ménages
et des entreprises beaucoup plus circonspects. Un des éléments
principaux des dispositifs de prévention des risques sur
les marchés financiers est la norme de fonds propres. La
connaissance approfondie des bilans, des comptes, avec l’obligation
de leur divulgation, peuvent rasséréner les marchés
financiers. Dans un climat de transparence, les marchés
financiers peuvent croître plus facilement et encourager
les agents à prendre des risques. Depuis les années
quatre-vingt, tout en ensemble institutionnel se met en place
progressivement pour éviter les crises d’une part
et d’autre part, rendre plus optimal l’allocation
des ressources sur les marchés financiers. L’exemple
de la Russie est intéressant, il montre que certaines banques
ont accepté un audit annuel de leurs comptes par des cabinets
internationaux et adoptent aussi les normes prudentielles. On
voit, par là, l’influence positive de certaines contraintes
institutionnelles sur les comportements financiers pour améliorer
l’efficience de ces derniers.
Les comportements financiers des ménages et des entreprises
peuvent s’expliquer à partit de différentes
causes et analyses. Une approche microéconomique qui repose
sur le principe de rationalité selon lequel les individus
agissent selon leurs ressources, compte tenu des contraintes qu’ils
subissent. Ce cadre théorique a des limites, il ne prend
pas notamment en compte les problèmes d’asymétrie
d’information. La théorie des jeux développée,
en particulier par Von Neumann, peut être un complément
d’explication aux analyses sur les comportements financiers.
Un jeu n’est pas forcément coopératif, les
agents peuvent être amenés à prendre d’autres
décisions en fonction des opportunités qui se présentent.
Cette théorie peut expliquer certains comportements financiers.
Ceux-ci, depuis le début des années quatre-vingt
ont évolué en fonction de la conjoncture économique
et sociale. Des garde-fous se sont mis en place, notamment au
niveau des structures institutionnelles. Il reste à s’interroger
sur les relations qui s’établissent entre les agents
privés et le secteur public étatique.
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