La flambée du prix du pétrole et des produits céréaliers,
fait valser les étiquettes des produits de consommation
courante. L’inflation serait-elle de retour ? Cette poussée
de fièvre inflationniste se situe autour de 3.6% en France,
niveau jamais atteint depuis 1992 même si l’on est
bien loin des taux dépassant les 10% dans les années
80. Cette fièvre pourrait bien vite s’étendre
à l’ensemble des produits et aggraver la dégradation
du pouvoir d’achat.
Alors faut-il renforcer la concurrence pour la faire baisser
? Est-ce vraiment là un bon moyen de faire gagner en pouvoir
d’achat les ménages français ?
L’exemple de la hausse des cours des produits céréaliers
résulte d’un accroissement de la demande, bien supérieure
à l’offre. Il est donc peu probable que l’intensification
de la concurrence entre les grandes enseignes commerciales soit
suffisante pour atténuer cette fièvre inflationniste.
Dans un contexte à la fois de crise des crédits
hypothécaires et de croissance en berne, une telle hausse
des prix sera difficile à enrayer. C’est pourquoi
on peut douter des vertus d’une concurrence plus libre et
plus intense.
En outre, lorsqu’il y a peu d’offreurs sur un espace
commercial, la concurrence est moins vive et les unités
commerciales ne sont pas incitées à baisser leur
prix. Au contraire, lorsqu’ils sont nombreux, leur compétition
s’intensifie et les amène à réduire
leur prix pour gagner ou conserver leurs parts de marché.
Il en va de leur intérêt. C’est la loi du plus
fort qui régit la concurrence libre. Celui qui pourra baisser
ses prix par rapport à ses concurrents sera ainsi récompensé
par le marché, et l’autre qui ne le pourra pas sera
sanctionné. La concurrence profite ainsi aux entreprises
les plus fortes qui font gagner du pouvoir d’achat aux consommateurs
avec des prix faibles.
Or, la loi Raffarin en réglementant l’urbanisme commercial
afin de protéger les petits commerces de moins de 300m²,
a freiné l’essor du nombre de maxidiscounts.
Elle a amoindri la compétition entre les vendeurs devenus
moins nombreux pour écouler les produits que se disputent
les acheteurs. Cette réglementation a conduit à
moins de concurrence entre les distributeurs et, aujourd’hui
empêche les baisses de prix tant espérées.
D’où la nécessité de la supprimer pour
restaurer une concurrence plus libre et plus vive capable d’endiguer
cette inflation.
Mais comment peut-on faire autant d’éloge à
une concurrence excessive ?
La libre concurrence est gage d’efficacité économique
en théorie, mais elle fait plus de mal que de bien en pratique.
Une multitude d’unités commerciales et de Hard discounts
n’est pas synonyme de concurrence réelle, bien au
contraire !
La plupart des enseignes commerciales sont intégrées
dans un réseau commercial composé de plusieurs formats
: des hypermarchés, des supermarchés, des supérettes
et des hardiscounts, et par ce maillage, occupent des zones entières
du territoire commercial local. (C’est le cas par exemple
du réseau Carrefour qui comprend : les hypers Carrefour,
les supermarchés Champion, les supérettes Shopi,
les points de vente Huit à Huit et les hardsicounts E.D.).
Cette atomicité déguisée de l’offre
commerciale maquille en réalité la baisse des prix
entre ces mêmes enseignes, à travers leurs assortiments
différents, leurs promotions respectives plus fréquentes.
Cela fausse donc les règles de la concurrence, car étant
de la même maison ces enseignes ne peuvent pas vraiment
s’affronter. Ce développement des réseaux
des unités commerciales, qui a été le moyen
de préserver leur avantage concurrentiel face à
une concurrence exacerbée, constitue aujourd’hui
des quasi-monopoles.
Apparaît alors le « paradoxe de la concurrence »
où la concurrence engendre son contraire.
Plus de concurrence conduit finalement à moins de concurrence
en éliminant de la compétition les entreprises les
plus vulnérables et aggrave ainsi le chômage. Or
moins d’emploi, c’est aussi moins de pouvoir d’achat.
Elle favorise aussi les mouvements de concentration grâce
au développement des réseaux et des fusions entre
entreprises et réduit ainsi la concurrence à quelques
offreurs qui imposent leurs conditions de prix aux petits producteurs.
Dans cette logique de marché concurrentiel déréglementé,
où chacun poursuit son propre intérêt, les
distributeurs pourraient être amenés à développer
davantage les produits d’importation plutôt que les
produits français pour conserver leurs marges en vendant
moins cher, ce qui n’est pas sans risque pour l’emploi
et la qualité des produits.
De plus une concurrence accrue incite les entreprises à
réduire leurs coûts salariaux, donc à précariser
davantage le travail et à modérer encore plus la
progression des salaires. Ainsi le gain marginal obtenu par la
baisse des prix est atténué par l’effet négatif
sur le niveau de salaire qu’elle induit. Le gain de pouvoir
d’achat n’est dans ce cas qu’une illusion.
Face à une poussée inflationniste exogène,
le renforcement de la concurrence reste un remède impuissant
et inapproprié dont les effets secondaires peuvent être
dangereux. Car son intensité pourrait désactiver
le moteur de la consommation en affaiblissant davantage les salaires,
ce qui mettrait en péril la croissance déjà
fragilisée et l’emploi encore bien timide.
Le retour d’une concurrence plus forte dans une conjoncture
économique instable ne ferait-il pas craindre le risque
d’une stagflation ?
Gérard FONOUNI
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