Dans son traité d'économie politique,
"Le commerce et le gouvernement considérés
relativement l’un à l’autre" en 1776,
il formule une théorie de l’intérêt
et de la valeur : "La valeur des choses est fondée
sur leur utilité, ou ce qui revient au même sur le
besoin que nous en avons, ou ce qui revient au même, sur
l’usage que nous pouvons en faire."
Condillac se situe contre Descartes et dans la
lignée de l'empirisme de Locke sur le problème de
l'origine des idées (se référer, sur le débat
empirisme / intellectualisme, à la notice consacrée
à Hume). Il est convaincu de l'impossibilité des
idées innées. On constate d'ailleurs une évolution
de sa pensée. Le Condillac de L'essai sur l'origine des
connaissances humaines distingue, comme Locke, sensation et réflexion.
Celui du Traité des sensations voit au contraire dans la
sensation l'origine intégrale des faits psychiques (y compris
de la réflexion elle-même), les facultés n'étant
que sensations transformées. Rien n'est alors dans l'intellect
qui n'a pas été d'abord dans la sensation. En termes
philosophiques, on dira que Condillac a évolué de
l'empirisme au sensualisme. Si « nos premières idées
ne sont que peine et plaisir », ce n'est qu'ensuite que
l'esprit intervient pour comparer, lier et combiner les idées,
esprit lui-même issu de la combinaison des sensations. Ceci
permet de distinguer la normalité de la folie (le fou lie
trop les idées entre elles) et de la stupidité (qui,
au contraire, ne les lie pas assez)
La grande originalité de Condillac reste néanmoins
le rôle qu'il attribue au langage. Il n'est plus pour lui
une simple expression de la pensée mais a, au contraire,
un rôle déterminant dans son élaboration.
Une pensée sans signe resterait limitée à
la perception et à l'imagination sans jamais atteindre
l'abstraction et la combinaison d'idées. Le langage, en
tant qu'il fonde la pensée abstraite et réflexive,
est donc bien ce qui distingue l'homme des autres animaux.
Le langage est pour Condillac une invention humaine. Il est institution
et, dès lors, le rapport du mot à l'idée
est arbitraire (comme, plus tard, chez Saussure). Préfigurant
la distinction saussurienne entre langue et parole, Condillac
voit que l'acte de parole est une initiative volontaire de l'individu
mais que les règles de fonctionnement de la langue sont
indépendantes des individus.
En dehors du langage, la seule source de nos connaissances et
de nos facultés est la sensation. Par dérivation
et composition de ces sensations naissent les fonctions d'entendement
et de volonté. On voit donc bien que, contrairement à
Locke, Condillac ne sépare pas fonctions sensibles et fonctions
intellectuelles. Ces dernières ne sont que dérivées
de l'attention, elle-même née de la vivacité
de la sensation.
Le moi n'est alors plus la substance pensante de Descartes mais
un effet de la combinaison des sensations transformée par
le langage.
Condillac se rattache au nominalisme : les noms ne sont que des
étiquettes par lesquelles nous classons l'expérience
et aucune idée n'existe en dehors de sa dénomination
c'est-à-dire hors du langage. « Si vous croyez que
les idées abstraites sont autre chose que des noms, dites
ce qu'est cette autre chose » (La langue des calculs) Signalons
que Condillac est l'auteur de l'article Nominaux de L'Encyclopédie.
La science est une « langue bien faite ». Le langage
fonctionne comme une sorte de modèle de tous les savoirs.
Les principales œuvres.
* Essai sur l'origine des connaissances humaines, 1746
* Traité des systèmes, 1749
* Traité des sensations, 1754
* Cours d'études pour l'instruction du prince de Parme,
1769-1773
* Le commerce et le gouvernement considérés relativement
l'un à l'autre, 1776
* Logique ou les premiers développements de l'art de penser,
1780
* La langue des calculs, posthume : 1798