Fiscalité/ Redistribution
La fiscalité répond, en première approche,
à des objectifs tels que la redistribution et la correction
des imperfections du marché. Sachant que toute nouvelle
mesure fiscale s'accompagne d'incitations ou de désincitations,
celle-ci s'appliquant sur les principales grandeurs économiques,
le problème de la théorie économique est
d'identifier et d'analyser les imperfections du marché,
et d'y appliquer des mesures correctrices, c'est-à-dire
principalement de réduire l'inégalité des
revenus et de corriger les externalités.
Or le développement de la fiscalité effective des
Etats contemporains, surtout préoccupés par le fait
de trouver des recettes fiscales pour financer leurs dépenses,
est assez éloigné de cette théorie.
Comment donc comprendre cet écart, comment apprehender
la nature et les limites de la fiscalité ?
On peut, dans un premier temps, présenter brièvement
la théorie classique de la fiscalité, et puis la
comparer à l'application qui en est faite.
1/ La fiscalité correctrice des imperfections du marché
:
a/ La fiscalité redistributrice :
La première de ces imperfections est représentée
par le fait que le marché peut conduire à une inégalité
de la distribution du revenu. Traditionnellement, les outils fiscaux
perrmettent de redistribuer directement les revenus obtenus par
les ménages au moyen d'impôts et de transferts progressifs
dépendant du revenu obtenu, par opposition à des
interventions agissant sur le système de prix du marché
du travail (rigidité des salaires).
Un question se pose, la taille des effets désincitatifs
de la redistribution : car les incitations à obtenir tel
ou tel niveau de revenu se trouvent modifiées par les impôts
qui s'y appliquent. On peut imaginer une redistribution qui égaliserait
complètement les revenus après impôts : elle
conduirait à un revenu moyen très faible, et donc
redistribuerait la pénurie. La recherche actuelle montre
que les effets désincitatifs sont relativement faibles
au niveau des taux moyens et marginaux qui sont typiquement pratiqués
dans les pays occidentaux.
Concernant l'imposition des revenus du capital, en l'état
actuel de la recherche, l'argument en termes d'incitations à
l'accumulation ne permet pas de justifier que les revenus du capital
et les revenus du travail soient traités différemment
par la fiscalité redistributive. En revanche, on pourrait
justifier une imposition sur les successions et sur la fortune
par le fait qu'il faut limiter la transmission de l'inégalité
des patrimoines.
b/ La fiscalité correctrice d'externalités :
"On dit qu'un bien exerce une externalité négative
lorsque sa consommation ou sa production privées créent
une perte de bien-être pour les autres agents, sans que
le système de prix n'en fasse payer le coût "(T.Piketty).
L'exemple du transport automobile et de la pollution qui lui est
associée est typique. Inversement, un bien peut exercer
une externalité positive si sa production ou sa consommation
privées entraînent un gain de bien-être pour
les autres agents. L'éducation pourrait être un bon
exemple.
Dans un cas comme dans l'autre, chacun est prêt,par exemple,
à n'utiliser son véhicule qu'en cas de besoin, ou
encore à dépenser davantage pour l'éducation,
à condition que tout le monde fasse de même. Comme
cela n'est pas le cas, les comportements tendent finalement vers
une inefficacité économique, et l'Etat taxe (pour
redistribuer) ou subventionne (rôle allocatif) pour surmonter
ces externalités négatives ou positives. Dans ces
deux cas, aucune recette n'est dégagée pour l'Etat.
2/ La fiscalité et les outils non fiscaux :
a/ La fiscalité comme financement des dépenses
publiques :
En réalité, la fiscalité sert avant tout
à trouver des recettes permettant de financer des dépenses
directement choisies et administrées par l'Etat (défense,
transports, éducation ...). Dans le cadre de la théorie
économique, ces dépenses sont justifiées
par la notion de bien public. Dès lors, des recettes fiscales
d'un montant donné doivent être dégagées.
Mais la question est alors de savoir quel type d'impôt mettre
en oeuvre. Bien que la théorie économique constate
la supériorité de l'imposition directe, la réalité
économique montre le poids exorbitant de l'impôt
sur la consommation, considéré comme plus discret.
b/ La fiscalité et les cotisations sociales :
La protection sociale est un système de cotisations prélevées
(salariés, employeurs) et intégralement et immédiatement
reversées sous forme de pensions de retraites, de remboursements
pour les dépenses de santé et de prestations familiales.
Cela ressemble fort au "circuit fermé" de la
théorie, mais ces cotisations ne peuvent pas être
considérées comme faisant partie de la fiscalité
au sens strict, puisqu'elle ont été établies
sur la base d'une dualité "salariés-patrons"
et dans un but de partage de la protection sociale des salariés.
L'Etat n'est donc théoriquement pas concerné.
En conclusion on peut avancer que deux grandes tendances voient
le jour : d'une part, la fiscalité fonctionnant en circuit
fermé a encore un bel avenir (voir l'exemple des chèques
éducation).D'autre part, la fiscalité pourrait davantage
s'orienter vers l'imposition directe, tout en préservant
le système des cotisations sociales, ceci malgré
son manque de transparence.
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