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Innovations

Capacité nationales d’innovation et compétitivité structurelles

« Ajoutez autant de diligences que vous voulez, vous n’obtiendrez jamais un chemin de fer », écrit J.A. Schumpeter en 1939 dans son livre Les cycles des affaires. Le 4 octobre 1957 , l’URSS lance dans l’espace le premier satellite artificiel : « Spoutnik ». De cette innovation majeure, les deux superpuissances de l’époque vont engager une course politique et scientifique dans la découverte de l’espace. Un satellite ou une fusée sont des innovations de produits mais le terme peut représenter aussi une nouvelle combinaison de facteurs de production ou de nouvelles techniques ou une nouvelle gestion des entreprises ou la découverte d’une nouvelle matière première ou de nouveaux marchés. L’innovation n’est pas crée ex nihilo, elle provient de la recherche qui peut être financée par l’Etat ou par des entreprises privées. Innover permet de lancer, par exemple, de nouveaux produits. Ces produits ont un prix de vente qui est ajusté en fonction de la concurrence. La compétitivité-prix détermine la volonté des entrepreneurs de conquérir des parts de marché en modifiant le prix de leurs produits. La compétitivité hors-prix ou structurelle permet de différencier les produits par d’autres critères que le prix, ce peut être la qualité, le service après-vente, l’image de marque…

Le comportement des entreprises ou de l’Etat peut influencer la compétitivité hors-prix et cela d’autant plus qu’il est difficile de conquérir des parts de marché. Pour se démarquer la compétitivité structurelle s’impose dans le commerce international. Compétitivité structurelle et capacités d’innovation ne font-elles pas partie d’une même volonté de politique économique ? L’une agissant sur l’autre et inversement.

Cerner d’abord le comportement des entreprises et de l’Etat des différents pays nous permettra de voir le résultat des innovations sur la compétitivité structurelle. L’attention peut se porter ensuite sur la compétitivité en essayant de montrer qu’elle influence la stratégie des entreprises. La compétition internationale impose de nouvelles façons de faire, un retour en arrière n’est plus possible, l’innovation technologique est une nécessité stratégique.

Le comportement des entreprises et de l’Etat peut modifier la compétitivité structurelle.

Le comportement innovateur des firmes permet de différencier les produits sur des critères hors-prix.

Dans les pays appartenant à l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économique), le Japon est connu pour ses produits à base de composants électroniques. Malgré sa fonction géographique excentrée, ses faibles ressources énergétiques, le Japon a basé son industrialisation sur l’exportation. L’industrie lourde (sidérurgie, construction navale, l’automobile et l’électronique 40 %) des exportations japonaises), constituent les trois pôles compétitifs de son industrie. Cette spécialisation et concentration fortes permettent au Japon de posséder une capacité d’innovation importante. En 1987, la recherche et développement en % du PIB était de 2,6 %, avec presque 70% de ce taux financé par les entreprises. Sa capacité d’innovation permet au Japon de renouveler sa gamme de produits.

Les Etats-Unis avec 245 millions d’habitants, 22 % de la richesse mondiale, des ressources naturelles abondantes, une idéologie de l’entreprise, se placent au premier plan mondial dans les capacités d’innovation. La recherche et développement représentait en 1987 2,8 % du PIB (produit intérieur brut) avec un financement partagé de façon égale entre entreprises et Etat. C’est en valeur absolue la dépense nationale de recherche la plus élevée du monde. L’Etat (Défense, Nasa) passe des commandes importantes aux entreprises, les industriels ont des débouchés assurés et peuvent ainsi investir dans la recherche. De plus la collaboration est étroite entre les entreprises et les universités (Stanford, MIT, Berckeley), ce qui facilite le passage entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée. Une forte compétitivité structurelle permet aux Américains de s’imposer à l’exportation en jouant ensuite sur la compétitivité prix.

Depuis plus d’une vingtaine d’années, la France essaie de moderniser son appareil productif. L’Etat français a souhaité le désengagement dans les branches à faible productivité comme la sidérurgie, la chimie lourde, le textile,… pour un redéploiement dans les branches à productivité forte comme l’électronique, l’informatique, la télématique, les technologies génétiques,… On constate un déplacement des investissements de capacité vers les investissements de productivité, mais la France connaît des retards technologiques. Selon une étude du Ministère de l’Industrie de 1988, on pouvait observer la faible structure technologique du système français. 11% seulement des entreprises de hautes technologies, réalisaient 25 % de la valeur ajoutée (HT). En ce qui concerne les importations de produits de haute densité technologique, le taux de pénétration, en 1988, était de 37 %, supérieur aux autres grands pays.

Ce qui traduit également la dépendance de la France dans ce secteur stratégique. On constate néanmoins l’augmentation des efforts de recherche. En effet, entre 1975 et 19887, la recherche et développement passe de 1,8 à 2,25 % du PIB.

Parmi les pays membres de l’OCDE, les capacités nationales d’innovation sont disparates. Certains orientent leur recherche dans des branches précises, d’autres sont plus généralistes. Certains bénéficient d’un fort marché intérieur comme les Etats-Unis, d’autres sont obligés de coopérer ou d’exporter fortement. Il est intéressant de voir le rôle ou l’engagement de l’Etat dans le secteur de la recherche.

Les Etats ont des politiques initiatives et novatrices et un rôle de protection des innovations.

Les efforts d’innovation et de recherche des entreprises peuvent bénéficier à d’autres. Les ex ?? ne doivent pas encourager un comportement d’imitation de la part de certaines firmes. C’est dans cette optique que la Convention de Munich en 1973 a créé un brevet européen et la convention de Luxembourg de 1975, un brevet communautaire. Les Etats européens ont un rôle de protection pour motiver les entrepreneurs à innover. De plus, les Etats européens encouragent les entreprises à coopérer. Des programmes comme par exemple SPRINT (« Promotion of Innovation and Technology Transfer » permettent de renforcer l’effort d’innovation des entreprises.

Au Japon, le MITI (Ministère de l’Industrie et du Commerce), regroupe des structures de réflexion et de décision concernant la politique industrielle. Il propose des stratégies industrielles et finance certains projets de recherche. Il encourage la restructuration et la concentration des entreprises, ce qui joue sur la compétitivité structurelle des produits. Dans le domaine de la fiscalité, des crédits d’impôt recherche peuvent être proposés aux industriels. De plus, le japon adopte une attitude protectionniste en établissant des normes strictes de sécurité ou d’homologation des produits étrangers, ce qui protège ses innovations et renforce sa compétitivité.

La France de 1958 à 1969 connaît une forte politique volontariste impulsée par le Général de Gaulle. Le général voulant maintenir l’indépendance de la France vis-à-vis des deux superpuissances de l’époque planifie l’effort et les axes de la recherche française. Le Concorde est l’exemple d’une faible coopération avec des pays européens. La France se lance dans un vaste programme, c’est l’époque du Plan Calcul et la création de la CII (deviendra bull par la suite). Plus tard, les gouvernements successifs continueront l’effort de recherche en essayant de l’élargir au niveau européen.

Suivant les pays, l’Etat intervient plus ou moins dans la recherche et les innovations. Il reste néanmoins le garant de la protection des innovations. Il essaie aussi de suppléer aux besoins de financement dans certains secteurs. Il se situe surtout en amont du processus d’innovation en encourageant la recherche fondamentale.

La compétitivité structurelle s’impose aux entreprises et à l’Etat dans le commerce mondial.

La compétition internationale impose de nouvelles règles, de nouveaux défis.

Les taux d’équipement des ménages arrivent à saturation, les consommateurs sont plus attentifs à la qualité des produits. La recherche d’une production différenciée, impose aux entreprises d’investir de plus en plus dans l’innovation. Les entreprises dans la fabrication de leurs produits ont des objectifs de « zéro défaut ». De plus les dirigeants intègrent l’évolution de la demande dans le processus de production.

La montée de nouveaux pays industriels dans le marché mondial, comme les pays asiatiques notamment, contraint les entreprises à renforcer leur compétitivité structurelle et les pousse à innover. Les pays asiatiques inondent le marché avec des produits électroniques, ce qui rend difficile pour les pays européens l’accès à ce marché.

La compétitivité internationale impose aussi aux entreprises une taille critique minimale à atteindre pour assurer la recherche de haut niveau. L’exemple de la société IBM dans l’informatique (ou Dell ou Microsoft) montre qu’avec un retard d’investissements et d’innovations dans la micro-informatique, elle a su imposer ses produits comme les standards du marché.

L’innovation technologique contribue à la détermination des stratégies.

Le besoin de différenciation hors-prix pousse les entreprises à investir dans la recherche et développement. On constate la forte progression des investissements immatériels. En 1991, ils d’élevaient à 3300 milliards de francs pour la formation brute de capital fixe des sociétés, ils représentaient ainsi 30 % au total de l’investissement. Les dirigeants des entreprises prennent conscience de cet élément de compétitivité. Les investissements immatériels apparaissent comme une source de compétitivité structurelle. Les investissements immatériels permettent d’améliorer et de diversifier les gammes de produits. Des études ont montré la corrélation entre recherche et développement et les performances des entreprises. Les dépenses liées à l’innovation apparaissent comme des dépenses stratégiques.

Des théories microéconomiques viennent conforter ces analyses. K. Lancaster a étudié l’importance de la qualité des produits ainsi que P. Krugman. Ces économistes appellent « différenciation verticale » la stratégie qui fait de la qualité un moyen de compétitivité hors prix et la « différenciation horizontale » représente l’étendue d’une offre, sa diversité. L’innovation est à la base de la compétitivité des entreprises. Déjà, J. Schumpeter, en 1934, dans un article intitulé « The theory of economic development » montrait l’importance de la compétitivité structurelle, comme moyen de réduire la concurrence entre les entreprises et permettant l’innovation de certains. P. Krugman montre que la compétitivité accrue appelle une innovation renforcée pour faire face à la concurrence internationale.

Dans les nouvelles théories de la croissance et notamment celles qui sont endogènes, l’économiste P. Romer montre que l’innovation est le produit d’une « activité volontaire de recherche et développement ». Dans la fonction de production, le revenu est fonction du capital, du travail et du niveau technologique (appelé résidu chez K. Solow). Une différenciation accrue des produits permet la croissance.

L’innovation technologique est de plus en plus inscrite dans les stratégies des entreprises surtout au niveau international. Les prix restent un élément primordial dans la concurrence internationale. Néanmoins, la compétitivité structurelle qui englobe les innovations technologiques, l’étendue de la gamme, la qualité, l’image des marques,… devient un impératif de la stratégie des entrepreneurs. Pouvoir s’imposer sur un marché, a fortiori, mondial, nécessite d’innover, d’investir dans la recherche-développement.

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