Edmond Malinvaud est né en 1923 à Limoges. Il a
été élève à l’Ecole Polytechnique
avant de commencer sa carrière à l’INSEE en
1946. Il est, ensuite, administrateur puis Inspecteur général.
Il a également été Directeur national de
la Statistique et de l’Administration Economique.
Il sera à la tête de la direction de la Prévision
au Ministère de l’Economie et des Finances de 1972
à 1974, avant d’être nommé directeur
de l’INSEE. Ce dernier poste lui sera attribué jusqu’
à son élection au Collège de France en 1986.
Cette carrière dans l’Administration s’ajoute
à celle de l’enseignement, qu’il exerce parallèlement,
d’abord à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences
sociales puis à l’Université de Californie-Berkeley,
et enfin à Paris.
Les citations suivantes sont extraites d’un article d’Edmond
Malinvaud, « Pourquoi les économistes ne font pas
de découvertes », paru dans la Revue d’économie
politique n°106, 1996 :
Les économies imaginaires
« A mon avis, la fonction véritable de l’économie
mathématique est d’apporter la rigueur là
où on en a besoin. Elle n’est pas de produire des
modèles abstraits pour des économies imaginaires.
… La rigueur conduit souvent à des résultats
négatifs, montrant que certaines propositions ne sont pas
valables en toute généralité ; de tels résultats
sont utiles à connaître, même quand leurs conséquences
réelles restent obscures, ainsi que je l’ai déploré
».
« J’ai le sentiment qu’ils sont souvent trop
loués pour un travail initial sur des modèles très
spéciaux d’économies imaginaires, travail
laissant la tâche inachevée, tandis que les explorations
plus utiles et pénibles de l’adéquation au
monde réel ne retiennent guère l’attention
».
De l’importance de l’étude de l’histoire
et des données
« J’ai aussi le sentiment que nous devrions explicitement
reconnaître de nouveau la valeur de ce que j’appelle
inférences interprétatives, pour faire court.. Je
veux dire par là des assertions non formalisées,
suggérées par l’examen de l’histoire
économique, des évènements économiques
contemporains, d’activités économiques particulières,
voire des résultats de parties de la recherche économique
; plus précisément, je me réfère à
ces assertions qui visent à une validité plus large
que les cas examinés, mais dont le domaine exact de validité
n’est pas indiqué ».
« Au temps de l’économie littéraire,
l’enseignement était fait, presque entièrement,
d’inférences interprétatives. Encore aujourd’hui,
des inférences interprétatives apparaissent beaucoup
plus souvent que notre méthodologie le reconnaît,
dès que nous parlons des problèmes économiques
vécus ou des politiques économiques. Une telle situation
est naturelle puisque, sur de vastes aires de notre domaine, nous
avons une connaissance non négligeable mais floue. A ce
propos, notons que les inférences interprétatives
jouent un rôle nettement plus grand dans les autres sciences
sociales que l’économie … Plutôt que
d’ignorer ces contributions littéraires, nous devrions
réfléchir sur elles et nous interroger sur les critères
de qualité pour ce qui reste une approche importante dans
de larges parties de notre discipline ».
Sur les effets de mode en économie
« Les conditions difficiles qui entravent les avancées
scientifiques en économie expliquent aussi pourquoi plusieurs
paradigmes peuvent longtemps coexister dans notre discipline et
pourquoi les changements dans les préférences de
la profession entre paradigmes tiennent souvent plus aux déplacements
des modes dans la communauté académique qu’à
des preuves établissant l’adéquation aux phénomènes
économiques réels et aux problèmes économiques
réels. Si vous êtes d’accord avec moi sur cette
dernière déclaration, alors nous n’avons pas
à être fiers en tant que savants ; nous économistes
pouvons alors apparaître plus intéressants comme
objets d’étude dans la sociologie de la science que
comme sujets contribuant au progrès de la connaissance
scientifique. Réfléchissons à cette inversion
possible de notre place et sachons en tirer les enseignements
».