L'oeuvre s'articule autour d'une critique radicale du système
capitaliste. Le capitalisme a ceci de particulier qu'il bouleverse
sans cesse les techniques de production afin d'obtenir une plus-value
croissante.
La prise en compte de liaisons entre structures sociales et
économiques distingue fondamentalement l'analyse de Marx
de l'analyse Néo-classique. Pour Marx, la société
est traversée par des antagonismes de classes (bourgeoisie,
prolétariat), et de ces rapports naissent l'aliénation
du travailleur et son exploitation.
Mais les contradictions internes au système aboutissent
à des crises économiques profondes.
"Le mode de production se rebelle contre le mode d'échange,
les forces productives se rebellent contre le mode de production
pour lequel elles sont devenues trop grandes" (Engels).
La mutation des modes de production provoque des crises, au
terme desquelles le capitalisme, après une phase de transition
(le socialisme), parviendra au communisme.
Des concepts comme la plus-value relative, la baisse tendancielle
du taux de profit, des analyses comme celle de la valeur-travail
ou du type de travail (incorporé, vivant ou mort), sont
une matière encore vivante sur laquelle nombre d'universitaires
travaillent actuellement.
La philosophie du droit de Karl Marx : par la lutte des classes
vers l’association dans la Société sans
classes
La lutte des classes
Selon Marx la cause fondamentale de l'évolution historique
est économique.
L'Histoire humaine est le résultat de rapports sociaux
qui s'imposent à la volonté des hommes. Ces rapports
sociaux expriment la contradiction existant entre les forces
(moyens) économiques de production, c'est à dire
les hommes et leurs outils, et les rapports de production ou
leur expression juridique, c'est à dire le système
juridique de propriété.
Les rapports sociaux sont variables selon les modes de production.
Et la contradiction, qui est aliénation, produit la lutte
des classes.
1. Les modes de production
Marx distingue les étapes de l'histoire humaine d'après
les régimes économiques et détermine ainsi
quatre modes de production :
1°- le mode de production asiatique (Karl Marx, Contribution
à la Critique de l'économie politique, 1859, Ed.
Sociales, Paris, 1972 , p.3.), qui se caractérise par
la subordination de tous les travailleurs à l'Etat, c'est
à dire à une classe bureaucratique, comme la classe
des mandarins en Chine;
2°- le mode de production antique, qui se caractérise
par l'esclave, c'est à dire par la subordination de l'esclave
à l'homme libre, comme dans l'Empire romain;
3°- le mode de production féodal, qui se caractérise
par le servage, c'est à dire par la subordination du
serf au noble, propriétaire de la terre, comme au moyen-âge
en Occident;
4°- le mode de production bourgeois, qui se caractérise
par le salariat, c'est à dire par la subordination du
salarié au bourgeois, propriétaire des moyens
de production dans les pays capitalistes.
Quel que soit le mode de production deux classes sociales s'opposent,
à cause de l'aliénation des rapports sociaux.
2.1. L'aliénation
L'aliénation économique - qui est l'infrastructure
de la société - est la source de toutes les autres
aliénations : sociale, politique, religieuse et philosophique
- qui constituent la superstructure.
L’infrastructure
La nature de l'Homme est de construire le monde, et donc de
se construire lui-même, par le travail productif, et non
par la spéculation sur le travail de l'Autre. En conséquence
l'Homme doit produire et être maître de son produit.
Dans la société capitaliste le prolétaire
et le capitaliste sont aliénés : le prolétaire,
le salarié non-propriétaire de moyens de production,
est aliéné car pour lui le travail n'est qu'un
moyen de subsistance et non un moyen d'épanouissement
; le capitaliste est lui-même aliéné car
il ne produit pas et le travail des salariés prolétaires
n'est pour lui qu'une source de profits.
La superstructure
L'aliénation économique conduit à l'aliénation
sociale, c'est à dire à l'antagonisme de la classe
des prolétaires et de la classe des capitalistes, alors
que la Société devrait être harmonieusement
unie.
L'aliénation sociale conduit à l'aliénation
politique car pour conserver sa position économiquement
et socialement dominante la classe des capitalistes doit contrôler
l'Etat, c'est à dire l'administration et le droit positif.
L'aliénation politique conduit à l'aliénation
religieuse (Ludwig Feuerbach, Das Wesen des Christentums, 1841,
L'Essence du christianisme, La Découverte, Paris, 1982.
Sigmund Freud, Die Zukunft einer Illusion, 1927, L'avenir d'une
illusion, PUF, Paris, 1971.) et philosophique car la classe
dirigeante des capitalistes doit légitimer son pouvoir
en utilisant Dieu et/ou la Nature, en fondant son droit positif
sur le droit divin et/ou naturel.
Quel que soit le mode de production économique, une classe
dirigeante exploite la classe des dirigés. Selon Marx
cette situation d'oppression de l'Homme par l'Homme ne sera
pas éternelle. Un jour la Société sera
sans classes.
2.2. La Société sans classes
La révolution prolétarienne permettra la dictature
du prolétariat, qui aboutira au dépérissement
de l'Etat et du droit, c'est à dire à l'instauration
d'une société sans classes sociales, d'une libre
association de personnes libres.
2.2.1. La révolution prolétarienne
Le développement logique du système capitaliste
conduit à la concentration du capital et à la
paupérisation des salariés, donc conduit à
sa mort.
Concentration et paupérisation
Pour accroître ses forces de production, soumises à
la concurrence internationale, la bourgeoisie doit procéder
à des concentrations d'entreprises. Cela a pour effet
de faire tomber dans le prolétariat l'échelon
inférieur des classes moyennes, les petits paysans, les
artisans, les petits commerçants, les petits industriels.
Cela a également pour effet de maintenir les salaires
au minimum alors que les profits des propriétaires capitalistes
sont maximalisés, d'où une paupérisation
du prolétariat.
Conséquences
Devant cet état de fait les salariés prendront
conscience de leur intérêt commun, leur intérêt
de classe opprimée, et lutterons contre un système
qui, en définitive, s'effondrera de lui-même, les
capitalistes n'étant plus qu'une infime minorité
face aux salariés prolétaires.
2.2..2. La domination du prolétariat
Par la nationalisation de l'infrastructure et ses conséquences
sur la superstructure la domination du prolétariat aboutit,
selon Marx, au dépérissement de l'Etat et du droit.
La nationalisation de l'infrastructure
Le prolétariat ayant pris le pouvoir politique utilisera
l'administration et le droit positif pour nationaliser les instruments
de production et augmenter la quantité des forces productives.
Le prolétariat utilisera sa domination de classe pour
détruire le mode bourgeois de production, en substituant
l'appropriation collective à l'appropriation privée
des moyens de production.
Conséquences sur la superstructure
En détruisant le mode bourgeois de production c'est l'aliénation
économique qui est détruite.
L'aliénation économique étant détruite
toutes les autres aliénations sont détruites.
Le dépérissement de l'Etat et du droit
Toutes les aliénations étant détruites
les classes sociales disparaissent. Les classes sociales disparaissant
l'Etat et le droit disparaissent, puisque l'Etat est l'appareil
oppressif d'une classe sur une autre classe utilisant le droit
comme moyen de contrainte. La dictature du prolétariat
aboutit donc, selon Marx, à la suppression de l'exploitation
de l'Homme par l'Homme et à la constitution d'une libre
association de personnes libres.
(Pour un premier bilan après l'effondrement de l'Urss
au début des années 1990 : Stéphane Courtois
et autres, Le livre noir du communisme, crimes, terreur, répression,
Robert Laffont, Paris 1997; et sur les méthodes notamment
utilisées pour construire "l'homme nouveau"
: Grigore Dumitrescu, L'Holocauste des âmes, Munich 1978,
Librairie roumaine, Paris 1997.)
2.2.3. La libre association des personnes libres
L'Etat et son droit oppressif sont remplacés par une
libre association "où le libre développement
de chacun est la condition du libre développement de
tous".
Cette libre association n'est pas de nature anarchique. Une
autorité publique subsiste, qui est aux mains des communistes,
ceux qui savent dans quel sens va l'Histoire et qui sont résolus
à accélérer sa marche vers la construction
d'un "homme nouveau", l'Homme communiste, l'Homme
enfin libre.
Selon Marx cette libre association, en permettant à l'Homme
de se réaliser pleinement, ne peut aboutir qu'à
la prospérité matérielle et à l'harmonie
sociale, par le triomphe d'une morale altruiste librement assumée
...
Et, selon lui, cette libre association sera celle des Hommes
du Monde entier, elle sera internationale.
3. Le marxisme d'Etat
Contrairement aux prévisions de Marx, qui pensait que
la révolution socialiste éclaterait dans les pays
capitalistes développés comme l'Allemagne ou l'Angleterre,
le socialisme ne s'est implanté que dans des pays moins
développés ou sous-développés, comme
la Russie de 1917 ou la Chine de 1949, la Yougoslavie, l'Albanie,
la Corée du Nord, le Vietnam, Cuba, ... à moins
qu'il n'ait été imposé par la force des
armes comme en Europe de l'Est après 1945.
Dans ces Etats le marxisme est devenu une idéologie d'Etat
sous la forme officielle classique de marxisme-léninisme,
ou avec des variantes comme le stalinisme ou les pensées
Maozedong, Kim Il Sung, Enver Hodja.
L'idéologie d'Etat est utilisée pour imposer de
nouvelles structures économiques et sociales, centralisées
et interventionnistes, ayant pour objectif le développement
national et, si possible, l'expansionnisme impérial (URSS,
Vietnam....), selon le schéma fonctionnel indo-européen
(souveraineté politico-idéologique, forces armées,
forces de production) dans lequel l'économique est subordonné
au politique qui est, au moins théoriquement, subordonné
à l'idéologique.