Dans le contexte international actuel, notre modèle social
devient de plus en plus coûteux et pèse sur la compétitivité-prix
des entreprises qui ont du mal à gagner des parts de marché
avec des coûts de travail supérieurs à leurs
concurrents étrangers. Elles sont alors tentées
de considérer les salaires uniquement comme un coût,
et non plus comme la condition des débouchés de
leur production.
La protection sociale est, elle aussi, victime du même préjugé
qui la présume, à tort, attentatoire à la
compétitivité, sans envisager un seul instant qu’elle
puisse être une richesse nationale.
Face à la vivacité de la concurrence des pays émergents,
et en particulier face à celle de la Chine qui affiche
des coûts du travail très faibles, n’admet
aucun mécanisme de protection sociale fut-il sommaire et
pratique le dumping monétaire, nos industries des secteurs
du textile et de l’équipement ménager ont
toutes fermé. D’autres, se sont délocalisées,
provoquant la désindustrialisation de certaines régions
où la disparition des filières industrielles a considérablement
aggravé le chômage et le déficit du commerce
extérieur.
Le coût du travail serait, à lui seul, responsable
du déclin industriel et de la hausse du chômage.
Cette idée reçue conduit notre économie en
quête de compétitivité dans une spirale conflictuelle
qui oppose les producteurs et les salariés. Le chantage
à la délocalisation comme mode de révision
à la baisse des salaires, pourrait alors devenir l’alternative
au chômage.
Faudrait-il alors accepter, au nom de la compétitivité,
une modération des salaires ou une précarité
sociale pour maintenir l’emploi sur le territoire ?
Cette recherche accrue de la compétitivité- prix
par les entreprises à travers la dévalorisation
du travail, tend à opposer les intérêts de
ceux qui achètent aux intérêts de ceux qui
produisent, oubliant au passage que ceux qui produisent et qui
achètent sont les mêmes agents économiques
dénommés autrement.
Les entreprises appartenant à des grandes enseignes qui
veulent maintenir leur marge et satisfaire des clients dont les
revenus sont comprimés en raison de la compétitivité,
achètent des produits étrangers pour ensuite les
distribuer sur le marché intérieur si bien que le
« Made in China » se substitue progressivement au
« Made in France ».
Les consommateurs n’auraient d’autre choix, pour maintenir
leur pouvoir d’achat, que de préférer des
produits importés aux produits fabriqués en France,
certes de meilleure qualité, mais plus chers.
Cette substitution est désormais devenue une évidence
dans un contexte où la production domestique a soit disparu,
soit été fortement réduite. Les consommateurs
sont contraints d’acheter des produits délocalisés
au détriment de l’emploi en France. En consommant
ces produits importés moins chers, les salariés,
en tant que consommateurs, contribuent à la suppression
de leurs propres emplois sans même sans s’en rendre
compte.
Cette course effrénée à la compétitivité
précarise le travail, incite les ménages à
consommer moins cher, obligeant ainsi les entreprises à
produire encore moins cher en comprimant davantage leurs coûts
salariaux pour satisfaire les besoins des ménages.
Elle constitue un cercle vicieux qui dresse les salariés
contre les consommateurs ou autrement dit, les salariés
contre eux-mêmes.
En omettant que les salariés sont aussi des consommateurs,
ce cercle vicieux dans lequel les prix peu élevés
conduisent à des salaires peu élevés qui
entraînent une consommation timide et qui débouche
sur des délocalisations faute d’un niveau de consommation
suffisant, est à l’oeuvre.
Il enclenche cet engrenage conflictuel où plus de compétitivité
entraîne moins de débouchés. Quel paradoxe
!
A cause de ses effets contradictoires, cette compétitivité
n’est plus adaptée à la gravité de
la situation économique. Car, sans normes sociales et monétaires
mondiales minimales, le libre échange fausse la concurrence
et menace gravement les modèles sociaux des Etats industrialisés,
et plus particulièrement celui de la France.
Au contraire, la compétitivité-prix ne sera efficace
économiquement et socialement, que si elle se fonde sur
une concurrence équitable à défaut de règles
sociales communes entre les Etats.
Cependant, ces règles seront longues à construire
et n’auront de vertus, que si parallèlement sont
mises en œuvre au niveau national des politiques publiques
stimulant le rouage de la compétitivité hors-prix
basée sur la qualité, l’innovation et la formation.
Alors pourquoi ne pas préférer cet engrenage structurel
au conflictuel ? Gérard Fonouni
ACTUALITES
Dernières vidéos en ligne
PODCASTEZ
!
Portail
numérique de l'éducation et
de l'orientation