Schumpeter relate que le marquis Pareto et la "middle
class" ne s' appréciaient pas ...sauf dans la théorie
pure. Pareto est pluridisciplinaire et écrit un "Trattato
di sociologia generale" en 1916 avec un propos ultra libéral
sur les cercles des élites...face à l'Etat.
Il remplace à 45 ans Walras à Lausanne et se retire
très vite à Céligny.
Schumpeter note sévèrement que le Cours d'économie
politique (1896-97) n'est qu'un traité Walrasien et que
les éléments originaux (courbes d'indifférence,
problème de l'ophélimité/optimum) se trouvent
dans le Manuale di economia politica ( 1906). En fait, Pareto
pose le problème de l'optimalité dans des termes
obscurs( cf. la colline du plaisir), l'essentiel étant
contenu dans l'appendice mathématique. Son élève,
Pasquale Boninsegni, clarifie la nouvelle théorie parétienne
du consommateur, fondée sur le concept empirique des
courbes d'indifférence.
Extrait de sa biographie: "Pour Pareto, l'étude
de l'économie devient de cette manière similaire
à l'étude de la conduite logique dont l'objet
est l'"ophélimité", terme qu'il tire
de la racine grecque ophelimos, désirant ainsi s'éloigner
de la notion traditionnelle d'utilité et qu'il définit
comme étant une relation de commodité occasionnée
afin qu'un besoin ou un désir, légitime ou non,
soit satisfait.
En d'autres termes, il s'agit de l'étude d'une "quantité"
entièrement subjective. De fait, il doit s'appuyer sur
l'existence d'un homo economicus, lequel est un individu abstrait
qui peut échanger des biens pour d'autres, en les produisant
ou en les modifiant selon leur usage, dans le but d'atteindre
le profit individuel le plus élevé possible.
Après avoir opéré la distinction entre
capital personnel, mobile (monnaie et épargne) et financier,
Pareto décrit les liens principaux de l'évolution
sociale, à savoir la production, l'échange, les
crises économiques, la distribution et la consommation.
Le modèle d'équilibre général auquel
il parvient est exprimé à l'aide d'un système
d'équations simultanées, dont certaines se réfèrent
à la contrainte budgétaire de l'individu liant
le revenu et les dépenses et d'autres à l'activité
des entreprises qui créent des produits et des biens
capital.
Un chapitre important du Cours traite de la distribution du
revenu. Pareto y montre que la stratification imposée
par la distribution de la richesse dans la société
a relativement peu évoluée dans le temps. Pour
lui, une distribution différente de la richesse ne résoudrait
pas les problèmes généraux de la division
sociale de l'époque et n'améliorerait en rien
les conditions de mobilité entre classes sociales. Ce
phénomène est connu sous le nom de "Loi de
Pareto".
Cependant, l'originalité du Cours tient avant tout à
sa méthodologie, soit à la découverte d'une
interrelation entre phénomènes économiques
et sociaux, de leurs interdépendances réciproques
à l'intérieur d'un système où la
relation entre les parties et l'ensemble produit des effets
autonomes, appelés aujourd'hui effets structurels.
Implicitement, le Cours propose une philosophie sociale: l'histoire
est une séquence mécanique d'événements,
un événement suivant l'autre d'une manière
monotone car l'homme reste le même. Des répétitions
et des récurrences cycliques sont de fait inévitables.
Contrairement à ses contemporains positivistes, Pareto
ne croit pas au progrès, à l'évolution
ou à la science.
En pratique, il rompt même avec le libéralisme.
Il croit que la structure atomistique et statique de la société,
laquelle est un tenant de base de la doctrine du libéralisme,
implique logiquement la prédominance dans une société
civilisée d'individus qui sont à l'opposé
de l'homo economicus théorique rationnel."
Distinction utilité /ophélimité :
( Pareto, 1896: Cours d'économie politique; 1909: Manuel
d'économie politique.) Deux distinctions importantes;
l'une du vivant de Pareto: ophélimité/utilité;
l'autre postérieure: situation d'optimum et critère
de Pareto unanimité. La première est dynamique
en faisant référence à un état de
repos dans les mouvements des substitution possibles, l'autre
est axiomatique et instantanée. Le concept d'ophélimité
est strictement économique, défini par quatre
conditions:
- Il désigne les satisfactions que l'individu retire
de ses consommations en biens et services physiques.
- Les préférences individuelles sont supposées
indépendantes, tirées des propres consommations
de l'individu, égoïstement.
- Les préférences s'expriment sur un marché.
- Les préférences sont supposées données.
L'utilité est sociale.
L'utilité est sociologique... et concerne tous les types
de satisfactions au delà de l'économie. Elles
dépendent ( au moins pour l'"utilité indirecte"
qu'évoque Pareto) des autres individus. L'utilité
peut se révéler par d'autres moyens que le marché,
par exemple le vote. Les préférences ne sont pas
données et de façon interactive, se modifient.
On retrouve derrière ce couple ophélimité/
utilité le sophisme ( selon Kolm, La bonne économie,
1984) selon lequel l'agent serait à la fois égoïste
et altruiste.
L'idée d'une mécanique interindividuelle se trouve
aussi chez Pareto, certes sur des bases différentes.
La valeur chez Pareto est individuelle.
Dans le cas d'une utilité individuelle, l'"ophélimité",
selon Pareto, l'individu est seul juge de la question de savoir
si cette utilité subjective existe ou non... de l'intensité
de cette utilité".
Malheureusement, Pareto, distingue une utilité objective
d'une utilité subjective, sans voir que même l'utilité
"sociale" passe par une représentation individuelle.
Chaque personne est seule juge, elle perçoit sa responsabilité,
arbitre d'elle même entre les contraintes matérielles
et sociales. Pareto oppose de façon dualiste, actions
logiques et actions non logiques, individuel et social....il
juxtapose économie pure et sociologie mais ne prend pas
en compte l'anthropologie philosophique.
Comme le souligne Raymond Aron, il "brocarde" les
moralistes et les philosophes au profit d'une pensée
logico expérimentale:
" ...Pareto se refuse à entrer dans l'univers intellectuel
de la philosophie. Qu'il s'agisse de Platon, de Kant ou de Hegel,
" il fait l'idiot", il cite telle ou telle phrase
obscure pour le commun des mortels de la Phénoménologie
ou de la Logique ( il n'a que l'embarras du choix)."
L'oeuvre de Pareto est un bel exemple de "non- philosophie".
La dimension philosophique de la question anthropologique ne
peut l'intéresser.... Pour Pareto (1916, 1968 ), la sociologie
"vise à étudier la société
humaine en général"; l'anthropologie étudie
l'homme du point de vue de la théorie économique.
L'économie appliquée se superpose à l'économie
pure sans s'y substituer ( Pareto, p. 16) sinon l'on va mélanger
phraséologie et analyse mathématique de la mutuelle
dépendance. D'où l'apostrophe au sociologue ou
au psychologue qui voudrait mélanger les genres :
" Eh brave homme, l'économie mathématique
arrive au moins à nous faire connaître en gros
comment s'opère la mutuelle dépendance des phénomènes
économiques tandis que ton galimatias ne nous apprend
rien du tout !".
Faisant ainsi, Pareto oublie tout réflexion sur le sujet
de l'activité économique. A quoi sert un discours
sur la "mutuelle dépendance" si l'on ne sait
pas ce qu'elle relie ? D' autre part, comment peut- il croire
à des limites d'application de la méthode économique
?
Pour affirmer l'économie pure, il faut en prouver la
spécificité matérielle. Enfin, Pareto définit
l'économie pure par sa logique déductive extraordinaire,
mais sait-il ce qu'il y a dans cette science? Si l'économie
pure est une pure logique déductive, alors depuis un
siècle, cette exigence ne s'est manifestée que
pour un nombre très restreint de théories ( Cf.
Mahieu 1989), publiées sous forme définitive dans
les années 1960 : la théorie du Social Choice,
les axiomatiques de la valeur de Debreu et Sraffa.
Pareto rejoint Veblen en affirmant que l'élargissement
de l'économie pure commence par les instincts; "les
résidus correspondent à certains instincts de
l'homme". Ces résidus se manifestent par des légendes
et des superstitions à propos des nombres , souvent pitoresques
qu'expose longuement Pareto. Les résidus sont la partie
"constante" des phénomènes, les dérivées
leur partie variable. Ainsi la "flagellation ascétique
a été un phénomène très répandu
dans l'espace et le temps", mais elle connaît des
aspects variables : certaines croyances lui attribuent le pouvoir
d'éloigner les démons, d'autres de transmettre
la force et la vitalité des choses employées pour
flageller, d' autres encore une façon de faire pénitence.
Un tel schéma peut être transposé au domaine
scientifique. Ainsi, il y a un résidu continu de "pseudo-
science" qui veut transformer les actions non logiques
en actions logiques dont il existe de multiples dérivées
! "en étendant les conceptions de l'économie
pure aux besoins sociaux des hommes".