Ce grand économiste français n'a
appartenu à aucune grande école de pensée.
Sévère à l'égard de Keynes, influencé
par Marx tout en récusant son approche de la société,
peu aimable envers les libéraux et Adam Smith, il a eu
pour maître Joseph SCHUMPETER bien qu'il s'en soit, ensuite,
distingué.
Il a distingué la croissance économique du développement
économique : "La croissance économique correspond
à l’augmentation soutenue pendant une ou plusieurs
périodes longues d’un indicateur de dimension, pour
une nation, le produit global net en termes réels. (…)
Le développement est la combinaison des changements mentaux
et sociaux d’une population qui la rendent apte à
faire croître son produit net global ".
Le développement constitue un concept plus large, dans
la mesure où il englobe une dimension sociale, en particulier
en termes de répartition de richesse nationale. S’il
est difficile de concevoir un développement sans croissance
économique, cette dernière n’engendre pas
nécessairement le développement. Celui-ci introduit
une dimension qualitative alors que la croissance constitue un
processus uniquement quantitatif
Il a introduit la notion d’effets de domination entre pays
riches et pays en voie de développement.
À propos des accords de Bretton-Woods, il a parlé
des "rapports asymétriques"entre les États-Unis
d’Amérique et le reste du monde car les autres pays
doivent payer leur déficit courant en or ou en devises.
Les États-Unis étaient dispensés de cette
discipline puis que la seule monnaie convertible en or était
le dollar.
Dans l'oeuvre de Perroux, l'économie n'est pas dissociable
de son option philosophique et éthique : l'humanisme chrétien.
Celui-ci a inspiré ses premiers intérêts pour
la "communauté de travail" (1938), son rejet
du marxisme, ses options en faveur de la solidarité, d'une
économie de don, d'une économie pour l'homme. L'économique
ne peut se réduire aux seuls rapports marchands entre agents
homogènes : les rapports de pouvoir mais aussi la solidarité
en sont parties intégrantes. Perroux rejette ainsi les
principes fondateurs de l'univers néo-classique. Son oeuvre
vise avant tout à rendre compte de la réalité
grâce à un effort théorique rigoureux. Perroux
soutient que l'économie n'est pas proprement une "science"
mais un "savoir scientifiquement contrôlé".
Le point central de toutes ses conceptions réside dans
l'élaboration d'une théorie généralisée
de l'équilibre. Perroux ne remet pas en cause la modélisation
mais souhaite qu'elle soit plus scientifique. En assimilant les
faits humains à des phénomènes physiques,
on ignore ce qu'on appelle aujourd'hui les mathématiques
de l'homme.
Une économie vraiment scientifique ne peut comprendre la
croissance et le développement que dans une dynamique du
déséquilibre où se manifestent les forces
sociales, qui permet le progrès et qui explique plus rigoureusement
la vraie nature de l'équilibre économique. Perroux
en arrive à faire une distinction entre croissance et développement.
Selon lui, la croissance n'est qu'une augmentation pendant une
période plus ou moins longue du produit global réel.
Le développement englobe la croissance et la dépasse.
La croissance permet des progrès, le développement
assure le progrès. Après Schumpeter, il a distingué
innovation technique et création économique. Il
distingue également croissance, phénomène
quantitatif et développement économique. Ce dernier
obéit le plus souvent à un processus cumulatif dont
profitent certains pôles. Dès les années 1950,
Perroux s'attache au phénomène essentiel du sous-développement
et à la montée des firmes transnationales (la grande
firme et la petite nation).
Le champ de l'économie pour François Perroux est
celui de l'action des hommes en société pour la
satisfaction de leurs besoins. Son principal souci est d'affirmer
l'homme comme finalité de l'économie, avec cet objectif
ultime "développer tout l'homme et tous les hommes",
c'est?à?dire nourrir, loger, éduquer, soigner les
hommes. En fait, il s'agit de couvrir les coûts de l'homme.
François Perroux milite en faveur de la construction d'un
système économique et social uni. Reprenant l'idée
saint-simonienne du nouveau christianisme, il insiste sur l'idée
que "les bonnes oeuvres ne sauraient nous détourner
de la grande oeuvre qui est de libérer nos semblables".
La construction de l'homme par l'homme n'existe que lorsque chacun
contribue à l'épanouissement de tous en étant
complètement libre, sa liberté ne limitant pas celle
des autres, la renforçant au contraire. Essentiellement
attaché aux phénomènes de la production,
Perroux s'intéressera également aux problèmes
monétaires, à l'inflation, à l'évolution
du rôle du Dollar.
Il se laissera aussi interpeller par la condition faite au travail
dans la société industrielle, le syndicalisme, l'aliénation.
Perroux a largement contribué à la diffusion en
France de la pensée de Keynes et à l'ouverture de
la pensée française à des auteurs aussi dissemblables
que J. Schumpeter, J.Chamberlin, Kalecki. Il a aussi joué
un rôle majeur lors de la mise en place de la comptabilité
nationale.
Enfin, F. Perroux a pris parti pour la construction européenne.
Mais pour lui, I'Europe n'est pas limitée par une frontière
territoriale. Elle se trouve partout où ses idées
ont une certaine emprise, elle est "sans rivages".
F. Perroux s'est éteint en 1987, à l'age de 84 ans,
il reste avant tout grand humaniste.