Les déficits ne sont pas ce qu’ils
sont, mais ce que l’Etat en fait. Les réduire qui
s’en plaindrait, mais est-ce là la garantie d’une
croissance riche en emplois ?
Sous la pression des investisseurs financiers,
les pays européens se sont lancés dans une surenchère
des plans de rigueur afin d’obtenir une notation favorable
des Agences spécialisées.
Les détenteurs de capitaux poussent alors les Etats à
imposer l’austérité comme préalable
à l’octroi de financements utiles à la relance
de l’économie.
Mais comment se peut-il, qu’à la
veille de la reprise économique, ces investisseurs financiers
jadis sauvés de la panique de 2008 par des gouvernements
obligés pour cela d’alourdir leur dette publique,
se permettent aujourd’hui de les défier de la sorte,
en leur imposant autant de sacrifices en si peu de temps ?
Les déficits contrarient la croissance en la privant des
financements avantageux. Ils absorbent une partie de l’épargne
des agents, qui fait défaut à l’activité
économique.
Aujourd’hui, la baisse des déficits semblerait désormais
devenue la condition préalable à la croissance.
Elle produirait davantage de croissance grâce à la
confiance qu’elle procurerait aux investisseurs dans la
mesure où trop de déficits impliquent, nécessairement
une hausse potentielle des impôts, qui restreint la rentabilité
et décourage l’investissement, moteur de la croissance.
Car la confiance d’aujourd’hui détermine l’investissement
de demain, et garantit les emplois d’après demain.
Dans ce contexte, la rigueur s’impose inévitablement
à court terme, pour renforcer la confiance des financiers
et préparer la croissance de demain.
Elle est désormais la seule issue possible, mais n’est
pas sans risque pour notre économie, et pour celle de l’Europe.
Parce qu’elle affaiblit la consommation et limite la portée
de l’effet multiplicateur des dépenses publiques,
elle pourrait casser à court terme l’élan
de la croissance, à défaut de débouchés
suffisants au sein de l’Europe.
De plus, une telle surenchère de l’austérité
impose des sacrifices très souvent inégalitaires
entre les agents économiques au risque de mettre en péril
leur protection sociale.
Elle profite davantage à l’économie financière
qu’à l’économie réelle, et pénalise
ainsi l’emploi sur une courte période.
Alors est-ce si urgent de ramener les déficits à
3% du P.I.B d’ici 2013, alors que l’économie
sort à peine de la récession ?
Ne serait-il pas plus efficace d’assainir les finances publiques,
une fois l’ardeur économique retrouvée ?
Car, en période de croissance, le retour à l’équilibre
budgétaire est moins douloureux pour l’ensemble des
acteurs économiques et mieux réparti entre eux.
L’Europe s’est engagée très tôt,
dans une spirale de l’austérité qui pourrait
lui être fatale.
L’austérité entraîne une croissance
anémique, qui contribue à alourdir la dette et oblige,
à encore plus de rigueur.
En période de faible croissance, l’Europe risque
d’entrer dans ce cercle vicieux où la rigueur appelle
la rigueur.
En réalité, comme l’avait
bien compris Keynes, le préalable à une reprise
de la croissance est un soutien concerté et collectif à
la demande, et une lutte massive contre le chômage par tous
les moyens. L’emploi crée de l’activité
économique et cimente la confiance. Pourtant l’Europe
n’a pas choisi cette voie.
Or, c’est seulement en s’engageant sur une politique
commune de croissance de l’emploi que les pays européens
remettront les finances publiques en ordre et consolideront la
confiance financière, et certainement pas en prenant le
risque d’une austérité qui pourrait brider
la croissance. La rigueur pourrait ainsi faire plus de mal que
de bien.
Alors faut-il vraiment prendre le risque de la rigueur plutôt
que celui de l’ardeur, pour renouer la confiance entre les
différents acteurs de la vie économique ?