Avec la persistance d'un chômage à un niveau élevé,
les économistes ont été amenés à
rejeter l'hypothèse de parfaite flexibilité des
salaires. De nouveaux modèles s'efforcent de rendre compte
de la rigidité des salaires réels, ainsi que de
son corollaire : un ajustement du marché du travail reposant
davantage sur l'emploi que sur les salaires.
On peut différencier les rigidités endogènes
du marché du travail (au sens où celles-ci sont
liées au comportement même des agents économiques),
des rigidités plus exogènes (qui relèvent
plutôt de la législation ou de la règlementation
: indemnisation du chômage, salaire minimum ...).
Nous présenterons ici les rigidités endogènes.
Les rigidités endogènes :
Les nouvelles approches micro-économiques de la relation
salariale montrent que le fonctionnement du marché du travail
n'est pas nécessairement concurrentiel.
1. Le salaire d'efficience : Cette approche met l'accent sur
le rôle des stratégies d'incitation dans le déroulement
du contrat de travail. Elle permet d'expliquer la rigidité
des salaires et peut aussi servir de fondement théorique
à l'analyse du dualisme du marché du travail. L'hypothèse
centrale est que la productivité de chaque salarié
dépend de son effort, lequel croît avec le salaire
versé. L'entreprise engagera un salarié supplémentaire
tant que la productivité marginale reste supérieure
au salaire réel par unité efficiente de travail.
Le salaire optimum, dit "d'efficience", est alors tel
que l'élasticité de l'effort par rapport au salaire
est unitaire. Il se peut que le salaire réel optimal soit
supérieur au salaire de réservation des chômeurs.
Dans ce cas, ces derniers souhaiteraient travailler pour un salaire
inférieur, mais les entreprises préfèrent
ne pas les embaucher à ce salaire qui diminuerait la productivité
des salariés déjà embauchés. Dans
cette analyse, tout choc qui modifie la productivité du
travail tend à modifier l'emploi sans changer le salaire
réel optimal.
2. Les contrats implicites : L'incertitude portant sur l'environnement
incite les agents à conclure des contrats susceptibles
de les protéger contre les risques associés aux
aléas de la conjoncture. Dans ces modèles, la fixation
des salaires s'établit, entre employeurs et salariés,
selon des contrats implicites de long terme. Les salariés,
qui ont une aversion pour le risque, préfèrent s'assurer
auprès des entreprises contre l'incertitude portant sur
leurs revenus, par des contrats de long terme qui réduisent
la sensibilité des salaires aux fluctuations de la demande.
Dans les périodes de conjoncture favorable, les salariés
reçoivent une salaire réel inférieur à
leur productivité marginale, et inversement. Dès
lors que l'aversion des entreprises pour le risque est plus faible
que celle des salariés, les entreprises préfèrent
ces contrats, car en moyenne, la valeur attribuée par les
salariés à l'assurance ainsi fournie par les entreprises
permettent à celles-ci de les rémunérer à
un salaire plus bas.
3. Le dualisme du marché du travail : Cette segmentation
oppose un secteur primaire, caractérisé par des
salaires élevés, une stabilité de l'emploi,
des bonnes conditions de travail et des perspectives de carrière,
à un secteur secondaire, dans lequel les salaires sont
plus faibles, le risque de chômage plus important et les
promotions inexistantes. Le dualisme du marché du travail
s'est accru à partir du milieu des années soixante-dix.
D'une part, le chômage touche davantage les travailleurs
les moins qualifiés, et d'autre part, le recours à
des formes d'emploi précaire s'est alors fortement développé.
Les modèles de marché dual expliquent à la
fois le rationnement sur le marché de l'emploi primaire,
et la possibilité de chômage pour les autres salariés.
Le chômage serait la résultante de l'existence d'une
quasi-rente salariale, que les salariés du secteur primaire
peuvent s'approprier, soit par l'exercice d'un pouvoir syndical,
soit par leur pouvoir "d'insider" dans le cadre de négociations
salariales. L'ajustement global ne se fait pas au sein de l'autre
secteur dit "secondaire", car la flexibilité
du salaire estcontrariée par un système d'indemnisations
du chômage, une législation de salaire minimal et
une rémunération fondée sur un salaire d'éfficience
: l'équilibre du marché du travail n'est pas atteint.
4. Le modèle "insiders-outsiders" : Sans faire
référence aux syndicats, cette analyse avance que
les "insiders" (salariés du secteur primaire),
disposent d'une rente de situation leurs permettant d'obtenir
des salaires supérieurs sans que les "outsiders"
(secteur secondaire ou chômeurs) puissent leurs faire concurrence.
Cette imparfaite substituabilité tient aux coûts
fixes liés au travail (coûts d'embauche, de formation
et de licenciement). La priorité est alors accordée
à ceux qui appartiennent déjà à l'entreprise,
et ceux-ci obtiennent des salaires supérieurs à
ceux qu'ils obtiendraient sur un marché du travail concurrentiel
dans le cadre de contrats individuels.