A. Comte, E. Durkheim, K. Marx (paradigme explicatif) :
le fait social reste une « chose » dont
on peut déterminer les lois par l’observation et/ou par la déduction.
Tocqueville, Weber, Georg Simmel, plus que le fait
social, l’action sociale : comprendre les motivations
des acteurs individuels, analyser leurs stratégies.
- La problématique centrale : l’égalité
contre la liberté
La démocratie révèle l’essence de la société moderne.
Elle aboutit à l’avènement d’un type de société et surtout d’un
homme nouveau grâce à l’égalisation des conditions. Dans
les sociétés d’Ancien Régime, seule une minorité privilégiée
pensait posséder par elle-même un droit particulier à rester
indépendante, les autres limitaient leurs désirs. La société
moderne étend ces droits, les démocratise. Chacun aspire à l’autonomie,
c’est-à-dire étymologiquement à vivre selon ses propres lois.
La liberté pousse à la différenciation, l’égalité tend à l’uniformisation.
La liberté incarne la fidélité de l’individu à soi-même,
aux valeurs qui le font être ce qu’il est, elle peut tendre
vers le haut, trouver les moyens de rendre les hommes « forts
et estimés » et en cela elle montre que les hommes
« veulent l’égalité dans la liberté ». Cependant
cet équilibre se révèle difficile à construire ; aussi
l’égalité tend-elle plus spontanément vers le bas.
Il est clair que l’égalité tend à l’emporter et
à contrarier le maintien de la liberté, d’autant plus que l’égalité
peut être réalisée en partie par l’action d’un gouvernement
habile gestionnaire, alors que la liberté, elle, ne se réglemente
pas.
-
Des principes de méthode
Tocqueville
construit deux types idéaux : société démocratique,
souveraineté du peuple (pouvoir).
Et
société aristocratique caractérise un état social, un
système de représentation.
-
La dynamique des sociétés
« Le
grand avantage des Américains est d’être arrivés à la démocratie,
sans avoir à souffrir des révolutions démocratiques et d’être
nés égaux avant de le devenir ».
-
L’avènement de l’individualisme
« L’individualisme
est un sentiment réfléchi et paisible qui dispose chaque citoyen
à s’isoler de la masse de ses semblables et à se situer à l’écart
avec sa famille et ses amis ; de telle sorte que, après
s’être ainsi créer une petite société à son usage, il abandonne
volontiers la grande société à elle-même ».
La
défense légitime de l’autonomie individuelle et plus pernicieux,
la perte du sens civique.
« Les
sentiments et les idées ne se renouvellent, le cœur ne s’agrandit
et l’esprit humain ne se développe que par l’action réciproque
des hommes les uns sur les autres ».
Ces
totalitarismes modernes résulteraient de la désagrégation
des structures sociales communautaires, remparts traditionnels
contre les violences collectives, l’individualisme triomphant
se traduirait par une banalisation des opinions, le repli sur
soi et sur la vie privée expliquerait la dépolitisation et la
prolifération des institutions administratives palliant l’absence
de sens civique.
Un
pouvoir « immense et tutélaire » gère des masses
satisfaites mais anesthésiées.
M.
GAUCHET, (Tocqueville, l’Amérique et nous), toute société
doit trouver une solution au problème posé par l’égalisation
des conditions dans un contexte d’inégalités de fait, comment
maintenir l’altérité, la différenciation entre les individus
tout en atténuant les inégalités. La société occidentale mandate
l’Etat pour remplir cette fonction, l’Etat « providence »
du lien social toujours menacé.
Extraits de De la Démocratie en Amérique,
Livre II, 1840, (10/18, 1963) :« Il y a un passage très périlleux dans la vie des
peuples démocratiques
« Lorsque le goût des jouissances
matérielles se développe chez un de ces peuples plus rapidement
que les lumières et que les habitudes de la liberté, il vient
un moment où les hommes sont emportés et comme hors d’eux-mêmes,
à la vue de ces biens nouveaux qu’ils sont prêts à saisir. Préoccupés
du seul soin de faire fortune, ils n’aperçoivent plus le lien
étroit qui unit la fortune particulière de chacun d’eux à la
prospérité de tous. Il n’est pas besoin d’arracher à de tels
citoyens les droits qu’ils possèdent ; ils les laissent
volontiers échapper eux-mêmes (…)
« Si, à ce moment critique, un ambitieux habile vient
à s’emparer du pouvoir, il trouve que la voie à toutes les usurpations
est ouverte. Qu’il veille quelque temps à ce que tous les intérêts
matériels prospèrent, on le tiendra aisément quitte du reste.
Qu’il garantisse surtout le bon ordre. Les hommes qui ont la
passion des jouissances matérielles découvrent d’ordinaire comment
les agitations de la liberté troublent le bien-être, avant que
d’apercevoir comment la liberté sert à se le procurer ;
et, au moindre bruit des passions politiques qui pénètrent au
milieu des petites jouissances de leur vie privée, ils s’éveillent
et s’inquiètent ; pendant longtemps la peur de l’anarchie
les tient sans cesse en suspens et toujours prêts à se jeter
hors de la liberté au premier désordre.
« Je conviendrai sans peine que la paix publique est
un grand bien ; mais je ne veux pas oublier cependant que
c’est à travers le bon ordre que tous les peuples son arrivés
à la tyrannie. Il ne s’ensuit pas assurément que les peuples
doivent mépriser la paix publique ; mais il ne faut pas
qu’elle leur suffise. Une nation qui ne demande à son gouvernement
que le maintien de l’ordre est déjà esclave au fond du cœur ;
elle est esclave de son bien-être, et l’homme qui doit l’enchaîner
peut paraître, (…)
« Il n’est pas rare de voir alors sur la vaste scène
du monde, ainsi que sur nos théâtres, une multitude représentée
par quelques hommes. Ceux-ci parlent seuls au nom d’une foule
absente ou inattentive ; seuls ils agissent au milieu de
l’immobilité universelle ; ils disposent, suivant leur
caprice, de toutes choses, ils changent les lois et tyrannisent
à leur gré les mœurs ; et l’on s’étonne en voyant le petit
nombre de faibles et d’indignes mains dans lesquelles peut tomber
un grand peuple…
« Le naturel du pouvoir absolu, dans les siècles démocratiques,
n’est ni cruel ni sauvage, mais il est minutieux et tracassier. »
Alexis de Tocqueville