Né à Paris le 10 mai 1727, il se
passionne pour l'économie et rencontre Vincent de Gournay
, un haut fonctionnaire qui l'introduit à la Cour et lui
fait connaître Vincent de Gournay. En 1761, il devient intendant
du Limousin (1761-1774), correspond avec Denis Hume qui lui conseille
de publier ses articles et lui recommande un de ses amis Adam
Smith. En 1770, il publie ses "Réflexions sur la formation
et la distribution de richesses" .
Des physiocrates, Turgot retient l'idée
que la croissance économique repose sur l'agriculture.
C'est de la capacité de la terre à fournir une récolte
supérieure aux semences que naît l'accumulation des
richesses. Aussi l'État doit-il libérer le prix
du blé pour donner aux agriculteurs les ressources nécessaires
à l'amélioration des rendements.
Mais Turgot s'éloigne des physiocrates par son approche
de l'épargne. Pour lui, celle-ci ne se limite pas à
la mise de côté par les paysans d'une partie des
récoltes pour constituer les semences.
Il identifie trois emplois de l'épargne :
- l'acquisition de terre par laquelle l'épargnant cherche
un revenu stable, une rente ;
- le prêt à intérêt qui fournit à
l'emprunteur de la trésorerie et au prêteur également
une rente ;
- l'investissement en machine, en pleine expansion dans cette
fin du XVIIIème siècle.
De ce schéma, il tire trois conclusions:
L'épargne ne doit pas être confondue
avec la thésaurisation et ne doit pas être accusée
de diminuer la demande. Chaque opération d'épargne
fournit un revenu à quelqu'un qui le dépense (AA
: Say reprendra cela plus tard).
L'épargne ayant plusieurs emplois, son impact varie. Seule
la troisième utilisation est porteuse car source de richesses
futures (AA : une esquisse du détour de production). La
politique économique doit donc la favoriser. En particulier,
l'État doit cesser d'emprunter pour absorber une épargne
ailleurs mieux employée (AA : une esquisse de l'effet d'éviction).
Enfin, le taux d'intérêt est un prix établi
comme tous les prix par la confrontation d'une offre et d'une
demande, celles du marché entre prêteurs et emprunteurs
parmi lesquels l'État a un poids considérable. Concrètement,
c'est le niveau du déficit budgétaire qui le détermine.
Il complète cette théorie de l'épargne par
ses idées sur la monnaie. S'il défend la théorie
quantitative de la monnaie, il soutient que le mécanisme
de l'échange impose que la monnaie inspire une confiance
totale. À chaque transaction, le vendeur cède un
bien matériel contre de la monnaie. Il ne le fait que s'il
a la conviction que la monnaie qu'il reçoit conservera
durablement sa valeur. Il défend en conséquence
une politique monétaire stricte dont la réalisation
n'est à ses yeux possible que si la monnaie est constituée
de métaux précieux et qu'elle est gérée
par un organisme indépendant échappant aux tentations
de rognage et d'altération des États impécunieux
(AA : c'est la thèse de Robert Lucas et de la nouvelle
macroéconomie classique).
En ce qui concerne la hiérarchie des prix,
il considère qu'elle reflète à long terme
celle des coûts. Mais, à court terme, le prix fondamental,
qui est le prix formé par l'offre, n'est pas celui constaté
lors des échanges qu'il appelle le prix courant car il
est corrigé par les envies des demandeurs. Cette conception
des prix ou l'utilité des biens pour l'acheteur joue un
rôle ne lui est pas propre, mais elle deviendra le fondement
du marginalisme et de la théorie de l'économie de
marché un siècle plus tard.
Devenu contrôleur général
des finances (1774), il applique ses idées et entreprend
des réformes économiques, il institue d’abord
la liberté du commerce et de la circulation des grains
(1774) à l’instigation des physiocrates, puis celle
du travail (1776) par la suppression des corporations, des maîtrises
et des jurandes. Enfin, il s'attaque au déficit de l'État.
Une mauvaise récolte dont les effets sont amplifiés
par la spéculation provoque, en 1775, une pénurie
de blé ; des émeutes éclatent, c'est la guerre
des farines. Les conservateurs exigent son départ, il finit
par être disgracié en 1776.
Quand il meurt en 1781, la plupart de ses réformes
ont été abandonnées. De son oeuvre, il reste
des idées qui marquent la transition entre la physiocratie
et le libéralisme d'Adam SMITH, que Louis XVI eut tort
de négliger.