L’année 2012 commence aussi mal que s’est terminée
l’année 2011. La récession guette notre économie,
le chômage atteint la barre des 10% de la population active,
la désindustrialisation s’accélère
et le déficit du commerce extérieur ne cesse de
poursuivre sa dégradation, atteignant désormais
les 70 Milliards d’euros.
Face à ces maux économiques, l’idée
d’alléger le coût du travail en finançant
une partie des charges sociales par une hausse de la TVA, fait
son retour sur la scène politique. Notre protection sociale
trop coûteuse, serait à l’origine de la perte
de compétitivité de nos entreprises, les empêchant
d’exporter, de produire en France et d’embaucher.
La TVA, impôt injuste mais très rentable, présenterait
alors des possibilités de financement inédites.
De prime abord, la TVA n’a rien de social en soi. L’épithète
sociale, n’est là que pour rappeler qu’une
partie de son produit pourrait se substituer aux cotisations sociales.
Le principe consisterait à augmenter la TVA pour financer
la protection sociale et diminuer en contrepartie les charges
sociales des entreprises. Or un tel transfert cherchant à
restaurer la compétitivité prix des entreprises
françaises, comporte des risques non négligeables
qui pourraient limiter son efficacité dans une période
de crise.
Augmenter le taux normal de TVA de 1,6 points tout en diminuant
les cotisations sociales doit permettre de réduire le coût
du travail et de rétablir la compétitivité
des entreprises exportatrices produisant sur le territoire français,
à condition que cette baisse soit entièrement répercutée
sur les prix des biens et services. Or, l’exemple du secteur
de la restauration en 2010 tend à prouver le contraire.
Les entreprises choisissent parfois de maintenir leurs prix et
de renforcer leurs marges. Face à cela, ne faudrait-il
pas conditionner les allègements des charges sociales à
une baisse obligatoire des prix afin de préserver le pouvoir
d’achat des ménages ?
Compte-tenu des écarts de coûts du travail entre
la France et les pays émergents pratiquant le dumping social
ou le dumping monétaire, la hausse de la TVA ne suffira
pas, malgré le renchérissement des produits importés,
à décourager les délocalisations, si ce n’est
alors qu’au prix de taux de TVA exorbitants. D’autre
part, pour que le surcroît de compétitivité
des entreprises nationales sur le marché domestique soit
vérifié, encore faudrait-il qu’il y ait un
vrai tissu industriel domestique. Or, la France n’a plus
d’industrie dans les secteurs du textile et dans le secteur
de l’équipement de la maison. Ces produits viennent
de Chine car nos entreprises ont toutes fermé depuis la
fin des années 1990 ! Depuis, le taux de pénétration
des importations dans la demande intérieure n’a cessé
de s’élever et la hausse de la TVA ne fera que pénaliser
les ménages les plus fragiles par la hausse des prix des
produits de consommation courante.
Contrairement à la baisse des charges, la répercussion
de la TVA sur la hausse du niveau des prix est immédiate.
Elle contribuerait ainsi, à court terme, à une hausse
généralisée des prix et à une perte
du pouvoir d’achat des ménages les plus fragiles.
Elle réduirait la consommation dans une période
où les entreprises cherchent de la croissance sur le marché
intérieur. Enfin, elle accentuerait les inégalités
entre les ménages qui ont une forte propension moyenne
à consommer et ceux qui ont une forte propension moyenne
à épargner. Cet affaiblissement immédiat
de la consommation dans un contexte d’austérité
généralisée pourrait alors aggraver le chômage.
L’effet « social » de la TVA est trop incertain
dans un contexte de croissance atone. Certes, elle peut avoir
un effet positif sur le déficit du commerce extérieur
au même titre qu’une dévaluation, mais elle
ne règle pas le problème de fond : celui du manque
de compétitivité de notre économie.
Améliorer la compétitivité prix par la baisse
du coût du travail afin de freiner les importations chinoises
ou celles de l’Europe de l’Est, est un combat inégal,
à moins que ne soit aussi intégré dans le
calcul de la compétitivité prix, le coût du
capital. L’accroissement de 5 points de la part des dividendes
versés aux actionnaires ces dernières années
a, lui aussi, amoindri la compétitivité, obligeant
les grandes entreprises à augmenter leurs prix pour maintenir
leurs marges.
Par ailleurs, une telle dévaluation fiscale néglige
la deuxième dimension de la compétitivité,
celle de la qualité, qualifiée de compétitivité
hors prix qui reste encore un atout de notre économie.
C’est sur elle que doit se fonder la politique industrielle
pour mieux affronter la concurrence.
L’élaboration d’une stratégie de différenciation
par la qualité de nos produits s’appuyant sur le
développement de l’innovation, de la recherche, de
la formation et de l’éducation semble être
une arme économique et sociale de longue portée
plus sûre et plus efficace pour lutter contre le dumping
social en préservant le pouvoir d’achat des ménages.
En effet, si les exportations des produits français deviennent
plus riches en innovation technologique, les importateurs deviendront
moins sensibles aux prix. La compétitivité hors
prix en valorisant ainsi le travail contribuerait à la
recomposition et à la relocalisation de nos industries,
contrairement à la compétitivité prix qui
le précarise pour rendre plus performantes nos entreprises.
La compétitivité de notre industrie ne peut pas
se réduire à une course effrénée à
la baisse des prix et à celle du coût du travail.
En recherchant à réduire le coût du travail
elle ferait perdre le savoir faire et aggraverait le déclin
industriel. Au contraire, l’avenir industriel doit se construire
sur une compétitivité par la qualité, l’innovation
et la compétence professionnelle avec des salaires conséquents
permettant d’acheter français, d’orienter en
partie l’investissement et l’emploi vers le territoire
national. La production se rapprocherait ainsi des lieux de consommation
plutôt que ceux où les coûts sont les plus
faibles.
C’est le développement du producteur/entrepreneur
qui doit être valorisé avant celui de l’actionnaire.
Or la TVA sociale en ne s’intéressant qu’au
second à travers la compétitivité prix, pourrait
fragiliser la base productive indispensable à la relocalisation
industrielle. Gérard Fonouni
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